L'histoire :
Quand George entre dans son bureau, Louis est dépité. En effet, lui, qui depuis longtemps, voulait raconter la vie de Jésus, vient de s’apercevoir que c’était déjà fait, à travers un bouquin appelé « la Bible ». En plus, ça veut rien dire, ce titre à la con. Nonobstant, George lui laisse entrevoir une autre perspective : cela a certes déjà été écrit « en roman », mais ça n’a jamais été fait en bédé ! Louis peut se coucher rassuré. Dès le lendemain, Louis rencontre donc Moïse en BD, et il est le relai entre lui et Dieu : tous trois se passent dès lors les tables de la loi, depuis le nuage divin jusque sur Terre, exactement comme les pompiers du far-west se passent les seaux d’eau pour éteindre un incendie. Et puis tout en marchant à travers le désert aux côtés de Moïse, Louis lui explique son projet. Car il s’agit d’être pragmatique pour insuffler la lumière ! Il est nécessaire d’aller à l’essentiel, par exemple avec des assiettes collées au mur, comme chez mémé, mais en moins gnangnan ! Et tout commence par les ancêtres, qui n’étaient pas, comme on l’a trop souvent dit, les gaulois, mais Adam et Eve. Ces deux là vivaient alors au paradis, le territoire de la vraie aventure, où ils enchainaient rafting et parcours d’accro-branches… Et puis le coup de la pomme est arrivé, mais c’était quand même vachement pernicieux, vu qu’à cette époque, il n’y avait aucune législation précise et qu’il y avait des tas de magasins de pommes.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les éditions Fluide Glacial rééditent ce petit bijou du trop rare Daniel Goosens (ex grand prix d’Angoulême) publié en 2011, mais avec 20 pages d'historiettes inédites et un dossier complet final. Dans celui-ci, Goosens décortique son approche de l'humour... et c'est un bonheur pur pour les fans qui apprécient son œuvre. Dans ce morceau d’humour anthologique, Goosens se moque dans les grandes largeurs du mythe chrétien. L’auteur avait d’ailleurs déjà montré des signes tangibles d’écorchage dogmatique, en livrant Le messie est revenu en 1979. Présenté comme un one-shot, le présent Sacré comique peut aussi être considéré comme un Georges et Louis romanciers tome 7, étant donné que ce sont ces deux anti-héros qui mènent les débats. Ici, suivant les conseils de Georges, Louis réécrit l’ancien et le nouveau testament, en prenant comme référent le prisme unique son bon sens populaire. Ainsi vont Moïse, Noé, Abel et Caïn, l’œil de Dieu et l’omniscience… Ainsi Jesusovitch (son vrai nom) qui recrute 12 salopards, dont les miracles sont passés au crible de sages (dont le grand Schtroumpf) et dont les exploits et la crucifixion sont relatés par Clark Kent (du Daily Bible)… La méthode n’est pas tout à fait nouvelle : ils sont nombreux les satiristes à s’en être payé une bonne tranche avec les grandes séquences du mythe chrétien (notamment François Cavanna avec ses Ecritures). Le pote Didier Tronchet, lui aussi et déjà en BD, avait livré il y a une quinzaine d’années de petits fascicules de Sacré Jésus, dans un registre humoristique sensiblement toutefois plus trash et « idiotique ». Mais quand c’est bien fait et que la partition comique est aussi subtile, on aurait tord de ne pas en redemander. Voilà une BD qui a du goût. Voilà une BD qui a du sens. C’est normal, c’est du Goossens…