L'histoire :
On ne sait par quel prodige, mais Raymonde Bidochon a réussi à trainer son mari dans un musée. D’ailleurs Robert regrette déjà amèrement d’avoir accepté une telle visite : il n’y a que des vieilleries. Il entreprend aussitôt de trouver l’œuvre qui bat le record de la plus vieille toile. Et il se venge en commentant chacune des 20 toiles exposées, en fonction de son esprit beauf avisé. Exposées dans les musées de Lyon et de Caen, les toiles réunissent pourtant de prestigieuses signatures. Introduits par Les Chèvres de Camille Corot (ousque les chevriers n’en foutent quand même pas une rame), s’ensuivent des peintures de : Picasso, Géricault, Manet, Soulages, Bruegels, Bacon (pas la tranche de lard), Courbet (pas Julien), Degas (qui en fait était bien tout seul)… Il y a même une (vraie) toile signée Christian Binet !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il fallait oser : plonger les Bidochon dans un (vrai) musée d’art ! De la confiture à des cochons ? Cette idée de confronter deux univers graphiques a priori antinomiques peut paraître curieuse, mais elle fait sens. Après tout, les Bidochon ont élevé la beauferie au rang d’art majeur, il n’est donc pas illogique de les associer à des toiles de maître. Surtout lorsque la vacuité décalée de leurs réflexions permet de mieux mettre en relief la profondeur desdites représentations. Cette démarche est née lorsque Christian Binet a été invité à une « visite à deux voies » par Patrick Ramade, conservateur du musée des beaux-arts de Caen. Inspiré par certains commentaires de visiteurs, le papa des Bidochon a rebondit sur son expérience pour placer ce type de remarques « primaires » dans la bouche de son couple infernal. Il a encore récidivé avec le musée de Lyon et au final, ce petit recueil carré à l’édition soignée (papier glacé et mise en page élégante) contient deux fois 10 toiles provenant de ces deux établissements, certaines réalisées par des superstars (Picasso, Géricault…), d’autres par des peintres beaucoup moins connus, mais tout aussi talentueux (Van Miereveld, Floris, Francken…). Certes, on est loin de la grosse marrade : les bons mots de Robert ne sont jamais hilarants au premier degré – par définition, le beauf n’est pas drôle. Mais c’est le gap entre l’intention réelle des toiles et ce qu’elles lui inspirent en premier lieu qui est ici subtil. L’autre atout du bouquin, ce sont les analyses pédagogiques apportées par les conservateurs des œuvres, qui expliquent tantôt leur contexte, tantôt leur propos. Voilà donc une autre manière – pertinente et joyeuse ! – d’éditer les classieux supports complémentaires des visites…