L'histoire :
Dans un futur proche, le monde a sombré dans toutes sortes de perversions, parmi lesquelles le fist-fucking. Le commandant Morton, pour sa part, pratique le double-fist-pelote-fucking, c’est-à-dire qu’il aide sa mémé pendant qu’elle tricote, en tenant une pelote de laine enroulée sur ses deux avant-bras. C’est dans ces conditions extrêmes qu’un sous-officier le convoque pour un brief urgent de leur colonel. Morton accompagne donc Bill au QG des forces militaires. Cartes d’état-major à l’appui, ce dernier explique que la guerre et la violence sont partout, il est temps d’agir avec vigueur. Il propose un voyage sur la lune, afin que ses hommes y peignent un message d’amour et de tolérance visible depuis la Terre. Qu’importent les termes précis du message, ses hommes trouveront bien pendant le voyage. Et Mick Morton apprend par la même occasion qu’il a été désigné pour être le premier à poser le pied à la surface de l’astre. Dans la foulée, l’escouade de choc qui va devoir remplir cette mission est présentée au savant à l’origine d’une propulsion révolutionnaire : l’octo-combustion carbonique, avec des démodulateurs d’ondes de charge oméga. Mick se permet alors une remarque pertinente : comment aller planter une graine d’humanité sur la lune sans emmener avec eux des femmes ? Le colonel repousse cette idée burlesque. Il faut prioritairement acheter un pinceau géant en poils de mammouth (si possible avec un crochet à fusée)…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il fallait bien que ça finisse par arriver : dans le léger futur d’anticipation qui sert de contexte décalé à ce nouvel opus d’humour absurde signé Daniel Goosens, la dépravation de l’humanité a atteint un « poing » de non-retour. D’où la mission magnifiquement débile que se fixent les plus hautes instances militaires : faire pousser une graine d’humanité sur la lune. Evidemment, au cours des 9 chapitres – prépublication en sketchs dans Fluide Glacial oblige – nos militaires se perdront en conjectures diverses sans jamais poser une semelle de Rangers sur l’astre nocturne. A la place, ils sillonneront plutôt la jungle et l’Afrique, façon Voyage au bout de l’enfer, à la recherche d’une improbable fleur de nostalgie. Mais le chef d’œuvre de Michaël Cimino n’est pas la seule référence empruntée par Goosens. Une partie du titre est décliné de Louis-Ferdinand Céline (Voyage au bout de la nuit), une lointaine inspiration découle vaguement d’Objectif lune d’Hergé (surtout le professeur obnubilé par son propulseur) et la psychologie des personnages obéit avec ironie au catéchisme des films hollywoodiens, dans lesquels les acteurs sur-jouent l’héroïsme de manière pathologique. Le dessin est typiquement goosenséen, en noir et blanc, c’est-à-dire oscillant entre le réalisme et le caricatural, soit le grand écart entre François Boucq et Didier Tronchet. Goosens fait donc du Goosens, et ravit ses fans de son sens de l’humour second degré complètement con et jubilatoire. Sur ce point, le pleurnichard et ses chaussures à talons rappelleront aux inconditionnels de l’œuvre de ce pilier de Fluide le tempérament fébrile et dépressif du Louis de Georges et Louis.