L'histoire :
Dans un avenir proche, grâce aux progrès de la génétique, la civilisation humaine a redessiné les contours d’une société heureuse et équilibrée, en redéfinissant des règles. Disparues les maladies, les guerres, la pollution, les voitures, les inégalités sociales. En contrepartie, ce nouvel équilibre général réclame une régulation des naissances et… de la mort. Les enfants sont désormais conçus en laboratoire et ils portent tous une programmation secrète qui les fait mourir à un âge précis. Six échéances sont ainsi possibles, sans qu’on sache jamais laquelle va nous emporter : 3, 11, 26, 38, 57 ou 70 ans. Afin que la mort soit moins vécue comme une tragédie pour la famille, des cérémonies de funérailles festives sont préparées dans les derniers jours de chaque échéance. On loue un joli carrosse, tiré par de jolis chevaux, pour trimballer un cercueil… qui ne sert donc pas forcément. Dans ce contexte, Richie s’apprête à fêter ses 11 ans, dans quelques jours. Ses parents refusent de lui préparer ses funérailles, car ils sont en dépression profonde depuis la mort de son frère ainé, quelques mois plus tôt, le jour de son 11ème anniversaire. Richie ne se pose pourtant pas trop la question de sa propre mort à cette échéance. Il en profite surtout pour faire une sorte de chantage à ses copines : il veut un bisou sur la bouche avant d’éventuellement mourir…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans le genre utopie à mi-chemin de la dystopie, les italiens Paola Barbato (au scénario) et Mattia Surroz (au dessin) envisagent un concept de diptyque peu ordinaire, édité par Fordis. Dans l’avenir proche et post-technologique qu’ils nous proposent, les gens ne peuvent mourir qu’à 6 âges précis : le jour même de leur 3ème, 11ème, 26ème, 38ème, 57ème ou 70ème anniversaire. Cette règle participe d’une régulation extrême de la vie, afin qu’elle soit le plus équilibrée possible, entre chacun. La mort est ainsi censée être reléguée au rang de paramètre sans importance… sauf que ça ne marche pas trop auprès du groupe de personnages que nous suivons monter un complot pour déréguler cette programmation totalitariste. Là se situe le petit hiatus du scénario : la tristesse de la mort d’autrui est inéluctable ; donc le bonheur général face à un principe injuste est largement impossible ; donc la rébellion devrait avoir été déclenchée depuis longtemps. Cela n’empêche pas la scénariste de mener patiemment son (long) récit de cabale anti-programmation mortifère (120 pages par tome), prenant le temps de fouiller la psychologie des personnages. Le central, jeune et plutôt mature Richie, 11 ans, incarne un garçon attachant aux côtés de figures inspirées du cinéma hollywoodien : il y a des traits de Toni Collette chez Andy, de Jack Nicholson chez Grant. Le dessin semi-réaliste de Surroz est abouti : complet, régulier, expressif, cinématographique dans ses cadrages et son découpage.