L'histoire :
De nos jours, à Paris, une femme de ménage retrouve sa patronne comme statufiée chez elle, une demande en mariage à la main. Plus tard, sur un trottoir, ce sont un homme et une femme qui se figent, leurs regards intenses plongés l’un dans l’autre. Puis c’est un couple qu’on retrouve paralysé en train de s’embrasser dans une voiture, générant un bouchon à un feu rouge. Olga Politoff, une jolie journaliste, et son collègue Lambert, photographe, sont dépêchés par le rédacteur en chef des Murmures de Paris pour enquêter sur cette curieuse épidémie qui commence à faire parler d’elle dans la capitale. Une trentaine de victimes, déjà, sont « stockées » à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, pétrifiées, plongées dans un état catatonique durable. Le professeur Korda, spécialiste de la chimie du cerveau, explique qu’ils ne sont pas morts et n’ont pas besoin d’être nourris : leur métabolisme s’est juste mis à tourner avec une extrême lenteur. Il semble que cet état ait été provoqué par un sentiment d’amour intense, d’où le nom donné à ce syndrome : l’amorostasie. Olga s’interroge, car elle aussi a un amoureux… Lui faut-il prendre des distances avec lui ? Le temps passe, l’épidémie s’intensifie et les scientifiques pataugent. Certains parisiens s’exilent en province…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La problématique posée dans ce one-shot de Cyril Bonin ressemble à un prétexte futé pour aborder tout un tas de questions intéressantes et originales sur le sujet sans doute le plus usité dans les fictions : l’amour. Ou plutôt, il s’agit ici de chimie de l’amour : quelles interactions chimiques sont-elles mises en branle lorsqu’on tombe amoureux ? L’amour est-elle une maladie ? Selon cet aspect technique, y a-t-il différentes sortes d’amour ? La préservation de l’espèce est-elle l’unique finalité de l’appareil amoureux ? En préface, le professeur Bernard Sablonnière, spécialiste française des mécanismes moléculaires des sentiments, souligne d’ailleurs l’ingéniosité de Bonin pour soulever les différents aspects de cette question essentielle. Car désormais en tant qu’auteur complet, en 124 planches qui se dévorent littéralement, Bonin narre brillamment une intrigue rythmée et équilibrée sur ce propos. A travers son dessin semi-réaliste typique en noir et blanc, simplement rehaussé d’un lavis en niveaux de gris, l’auteur nous donne à réfléchir différemment sur les conséquences sociales et intimes de son épidémie. Ce fléau est-il déclenché par Dame Nature pour endiguer la démographie galopante ? Faut-il persécuter celles (et pas ceux !) qui suscitent naturellement le sentiment amoureux sur autrui ? Peut-on contrôler son amour ? Doit-on fuir l’amour ? Et de trouver une conclusion habile… Quand bien même cet album risque de vous entêter avec une certaine chanson de Michel Sardou (Elle court, elle court…), nous, on aime !