L'histoire :
Au large de l'ile de Sein, Ar-Men est le phare le plus éloigné des terres et le plus exposé aux éléments. On le surnomme « l'Enfer des enfers ». Germain est le gardien du phare. Avec ses compagnons des phares de Sein, La Vieille, Pierres Noires et autre Tévennec, ils sont les gardiens de la mer d'Iroise. De nature solitaire et tourmenté par un mal intérieur qui lui ronge l'esprit, Germain a trouvé sa place entre les murs humides et glacés du phare. Pour lui, du moment que le feu est clair, tout va bien. Un soir de tempête où il affronte les vagues sur la galerie jusqu’à avoir le mal de mer sur ce bateau immobile, les flots déchaînés viennent à bout de la porte d'entrée et pénètrent à l'intérieur du phare. De retour au calme, Germain s'aperçoit que le crépit de l'escalier a été griffé par les vagues incessantes. En grattant les morceaux de plâtre encore collés, il découvre des mots qui mis bout à bout raconte l'histoire de Moïzez, personnage autour duquel gravite la construction de l'ouvrage...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A l'image de son album, Voyage aux îles de la désolation (déjà chez Futuropolis), Emmanuel Lepage aime nous faire partager des moments où le temps ne semble pas avoir de prise. Le lecteur, tantôt se laisse bercer par le roulis des vagues qui viennent caresser la pierre maçonnée du phare, tantôt est emporté par les paquets de mers qui comme des coups de butoir frappent l'ouvrage. Le scénario mélange avec délice des faits réels, de la fiction et des mythes. Cependant, il est possible que l'histoire ne s'emboîte pas parfaitement dès la première lecture. Effectivement, le rythme des analepses peu perdre le lecteur en manque d'attention. L'histoire vogue entre le mal qui ronge le personnage principal, les plongées autour de la légende d'Ys et l'immersion dans l'histoire de la construction du phare. Une seconde lecture permettra d'obtenir la clé de l'enchaînement narratif. Au niveau du dessin, Lepage, comme à son accoutumé avec son coup de crayon réaliste, nous transporte « au bout du monde ». Le dessin est sublimé par une très belle colorisation à l'aquarelle. L'attitude de la mer est décortiquée, parfois calme et apaisante, parfois bouillonnante et violente. Ar-Men est un chef d'œuvre du génie civil français ; le phare ne doit sa construction qu'au courage et à la vaillance des ouvriers qui, année après année, pierre par pierre, ont gagné leur combat face aux éléments. Cet album nous fait prendre le large, fermez les yeux, humez l'air salé, imaginez le crachin iodé qui fouette votre visage lorsqu'une vague vient s'écraser sur les rochers. Imaginez-vous seul au large, capitaine d'un bateau immobile.
