L'histoire :
En sortant de prison, Abel Mérian sait très bien où il a planqué son butin. Il envisage avec sérénité la nouvelle vie qui s'offre à lui. Il n'attend pas pour dépenser ses dernières économies dans un magasin de vêtements. Il en ressort remis à neuf, prêt à oublier l'odeur de prison qui l'imprégnait jusqu'ici. Il jette toutes ses anciennes affaires dans un camion poubelle qui passe, et se dirige vers l'usine désaffectée où doit se trouver son argent. Mais entre temps, la ville a beaucoup changé. Les projets immobiliers ont poussé un peu partout. En lieu et place de l'ancienne usine, se trouve désormais un magnifique centre d'art contemporain. Des dizaines de mètres cubes de béton recouvrent son précieux magot, perdu à jamais. Alors qu'il se demande comment redémarrer sa vie sans rien, un téléphone oublié sous le banc d'une des salles d'exposition se met à sonner. Une voix féminine lui explique qu'elle prend l'avion pour l'Italie dans un instant, et qu'elle aimerait beaucoup qu'il lui renvoie l'appareil par la poste. Accroché à ce téléphone rempli de photos de la belle et de textos qui expliquent sa vie, Abel va vouloir retrouver l'inconnue...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
« J'ai bu un expresso issu du commerce équitable, paumé dans un grand gobelet en carton avec touillette en plastique. J'avais fait ma B.A. de la journée ». Avec son amorce d'histoire toute simple et des dialogues justes et littéraires, Au Vent Mauvais nous embarque dès sa première case. La personnalité à la fois désabusée et pleine d'espoir d'Abel Mérian, ex-taulard qui va s'accrocher aux premiers signes de sa vie qui redémarre, est rendue avec une grande crédibilité. La légèreté des situations décrites est un régal de lecture qui vous met souvent le sourire aux lèvres, tandis que le potentiel dramatique du sort du héros donne à ses pérégrinations une portée universelle. Chacun pourra se reconnaître dans ce personnage qui observe sa voisine dans le train, tout comme dans cette envie de plonger dans la vie d'une inconnue dont il vient de retrouver le téléphone. Rascal est un scénariste de BD plutôt dilettante, mais il a trouvé pour ce roman graphique le ton pertinent des chroniques sociales contemporaines réussies. Le périple d'Abel se développe quasi uniquement en voix off, par le biais de narratifs imprimés façon machine à écrire, comme un miroir des réflexion du héros. La mise en images très simple et sans ellipses de Thierry Murat renforce l'aspect actuel de l'ensemble. Son trait aux encrages profonds et sans fioriture s'accompagne d'une bichromie variable aux teintes ternes. Ses pages ne dépassent pas deux ou trois cases, souvent silencieuses, comme autant de réserves d'émotion pour le lecteur qui découvrira cette promenade mélancolique et légère. Discret dans les rayons des libraires, Au vent Mauvais est un petit bijou de roman graphique, sincère et touchant. Parcourez ses cinq premières pages, et vous serez conquis...