L'histoire :
On ne meurt pas du jour au lendemain. A moins d'être écrasé par un bus ou abattu par un coup de feu. Non, en réalité, on commence à mourir le jour où l'on pense qu'on attaque la dernière ligne droite. Ce n'est peut-être pas très scientifique comme définition, mais il se forme alors, progressivement, une chrysalide, qui, peu à peu, couche après couche, grossit, durcit et nous emprisonne, nous réduit. Et c'est là qu'on commence à mourir. Alors il ne faut pas dire, après le jour fatal, qu'on est mort. Non, on a juste fini de mourir. Raùl a donc fini de mourir, après avoir cultivé une sacrée chrysalide de onze ans d'âge. Et le J1 était un 11 février, durant lequel il a entamé un journal, qu'il considérait comme étant « carnet de bord », dans lequel il évoquait sa solitude. Ne laissant aucun héritier, il a légué ce carnet ainsi que son ordinateur à son meilleur ami, pour qu'il y retrouve un peu de ce qu'il était. Peut-être aussi pour laisser quelque chose de lui, pour qu'on ne l'oublie pas trop vite...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C'est peu dire que Carlos Gimenez est un pilier de la BD espagnole et un auteur incontournable parmi les européens. Ceux qui ont lu Paracuelos se souviennent de cette autobiographie de son enfance, durant l’Espagne franquiste. Il est par ailleurs bien connu du lectorat français, puisqu’il fit des piges pour Pif Gadget avant d'être plus fréquemment publié dans Fluide et Pilote. Et même s'il a embrassé des styles aussi différents que des BD pour adultes et de la SF, son talent pour se mettre en scène est sans grande comparaison possible parmi ses contemporains. Alors à plus de 80 ans, il a remis ça avec cet album qui, en réalité, en contient trois. Car il ne faut pas forcément se fier aux stickers publicitaires apposés par l'éditeur, ce « nouvel album » n'est pas non plus paru ces derniers mois. En effet Futuropolis a compilé Chrysalide (Crisalida), publié en Espagne en 2016, Un chant de Noël - Une histoire de fantômes (Cansion de Navidad), qui date de 2018 et enfin C'est aujourd'hui (Es hoy) paru en 2020. En revanche, l'ensemble de ce « matériel » était jusque-là inédit en France. Alors c'est sans réelle surprise, mais avec un vrai bonheur, qu'on retrouve les qualités propres à Gimenez. Son Noir et Blanc et son trait un poil caricatural et bien sûr son alter ego fictif, Pablo, qui permet la mise en abîme de sa vie et l'expression d'un humour très souvent tendre, même s'il n'épargne pas la bêtise de certains... et sa propre naïveté. L’œuvre est d'autant plus attachante qu'il est très probable que ce soit sa dernière histoire. C'est aujourd'hui ressemble beaucoup à un adieu aux lecteurs, puisque cette fois-ci, le vieux Pablo tire une révérence définitive en s'endormant pour l'éternité. Adieu Pablo ! Mais Carlos, reste encore avec nous, on ne voudrait pas que ta dernière blague ne nous fasse plus rire.
