L'histoire :
Christophe, 14 ans, exulte. Ses parents lui ont donné leur accord pour qu’il profite des vacances pour participer à un voyage linguistique en Irlande du Nord, en compagnie de son pote Nicolas. A nous les petites irlandaises ! Bon, certes, ils savent que ça craint un peu, là-bas : ils ne s’aiment pas beaucoup les protestants et les catholiques. Mais ils s’imaginent qu’ils ne craignent rien : ils n’ont, ni l’un ni l’autre, de conviction religieuse bien définie… Au terme d’un voyage excitant, ils découvrent une météo exécrable et des douaniers quelque peu stressés. Normal après tout, au vu des attentats réguliers… Au point de rendez-vous, à Belfast, ils attendent longtemps avant d’être accueillis par une petite vieille, qui leur demande de la suivre à pied. Au fil des rues détrempées, ils découvrent de sinistres conditions de vie : il y a des blindés et des militaires en arme un peu partout. Enfin, ils font la connaissance de leur famille d’accueil, de joviaux catholiques : les parents Martha et Henry, les enfants Mark et Rudy. Rapidement, leur périple reprend de la saveur : les deux ados sont intégrés au sein d’une communauté chaleureuse, bien plus large que la famille…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Hasard de circonstance (?), le scénariste Kris voit deux de ses récits publiés en même temps chez Futuropolis (lire aussi Les ensembles contraires). Deux chroniques sociales réalistes, indépendantes et d’inspirations autobiographiques, mais aussi deux belles histoires d’amitiés. Dans ces Coupures irlandaises, Kris revient sur l’expérience d’un voyage linguistique adolescent, qu’il fit à l’époque où le conflit en Ulster était à son paroxysme. Avec tout le talent de narrateur qu’on lui connait (Un homme est mort, Le déserteur), il raconte comment une aventure excitante et candide d’ado s’est transformée en périple périlleux, complexe et marquant. Il le confesse volontiers aujourd’hui : « L’adulte que je suis aujourd’hui est certainement né à Belfast durant l’été 1987 ». Certes, la fin tragique de ce one-shot est fictive par rapport à la réalité, mais elle permet au scénariste d’aller au bout de son propos. A travers cette aventure initiatique (quasi) authentique, l’auteur ne cherche pas à défendre l’une ou l’autre cause, mais il souligne l’importance de l’engagement et du sens des responsabilités. Aux pinceaux, on retrouve Vincent Bailly, qui n’avait plus rien publié depuis le tome 2 d’Angus Powderhill (une série interrompue…). On reconnait certes par moment sa patte artistique, bien que son style – a priori – en couleurs directes, soit ici au service d’une esthétique plus spontanée, rugueuse et mordante, sans doute plus approprié à la nature de cet apprentissage. Une belle démonstration de l’éveil d’une conscience politique…