L'histoire :
En 1987, Sorj Chalandon est reporter et il mène une enquête en marge du procès de l’ancien nazi Klaus Barbie, qui doit prochainement se tenir à Lyon. Sorj se rend notamment à l’école primaire d’Izieu (dans l’Ain), où 44 enfants et 7 adultes ont été arrêtés par la Gestapo le 6 avril 1944, avant d’être déportés et exterminés dans un camp de la mort. En 1987, le bâtiment est vide, sinistre, il est devenu un lieu de Mémoire. Une gardienne lui ouvre et lui fait visiter, en expliquant les usages et les emplacements. Sorj est ému et il s’installe à-même le jardin pour écrire ses notes et préparer son article. Sorj est d’autant plus troublé qu’il s’interroge sur les actes de son propre père, qui a vécu cette période dans sa jeunesse et qui raconte des souvenirs parfois incohérents. Il se doute qu’au vu des pérégrinations étranges qu’il relate, son père était plus du côté des collabos que de celui des résistants. Il a gardé en mémoire ce soliloque de son grand-père maternel, prononcée en 1962 : « Ton père, pendant la guerre, il était du mauvais côté. Je l’ai vu habillé en allemand, place Bellecour […] Il faudra bien qu’il apprenne un jour qu’il est un enfant de salaud ». Sorj rumine ce passé peu glorieux depuis sa jeunesse et sait qu’il est impossible d’évoquer ce sujet avec son père sans qu’il s’emporte violemment…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Au sujet de la seconde guerre mondiale, on a beaucoup raconté sous le prisme de la Résistance. Il est en effet largement plus facile d’écrire quand on est du côté des vainqueurs ; or ce sont précisément eux qui écrivent l’Histoire – et la muent en légende. Journaliste et écrivain, Sorj Chalandon a (entre autre) entrepris d’affronter et « tuer » le sale bonhomme que fut son père, en général dans Profession du père (un roman de 2015 ; réponse : mythomane) et dans un roman de 2021 ici adapté, Enfant de salaud (réponse : car collabo qui ne s’est jamais assumé). Les deux romans sont désormais devenus des BD, à travers les relectures graphiques et séquentielles de Sébastien Gnaedig, éditeur chez Futuropolis et devenu ami de confiance de l’écrivain. A l’aide de son trait simple et stylisé, sans fioriture, Gnaedig met ainsi en scène Chalandon, en 1987, dans le contexte du fameux procès de Klaus Barbie, criminel de guerre nazi. Rappelons que la couverture de ce procès, pour le journal Libération (dont il est l’un des créateurs), a valu à l’écrivain le prix Albert Londres en 1988. Or en marge des séquences au tribunal, Chalandon entreprend un autre genre de procès, plus intime et pénible : celui de son père. Ce père mythomane, manipulateur, pervers narcissique et donc, salaud de collabo et de milicien pendant la seconde guerre. Comment et pourquoi celui-ci est-il devenu un traître ? Parviendra-t-il à le faire avouer, à lui faire prendre conscience, 40 ans plus tard, de son ignominie ? Si vous avez lu la précédente adaptation du duo Chanladon/Gnaedig, vous avez déjà votre petite idée…