L'histoire :
Marion, une jeune fille de 25 ans, vient rendre visite à sa grand-mère Giuseppina, âgée de 85 ans. Prostrée dans une solitude médicamenteuse, cette dernière n’a plus toute sa tête. Elle ne reconnaît pas la jeune femme qu’elle était, sur ce cliché datant du 10 février 1938. Elle n’a jamais été aussi souriante, elle s’en souviendrait. Que se rappelle t-elle exactement de sa jeunesse ? Marion l’imagine t-elle ? Toujours est-il qu’à la naissance, Giuseppina était un joli bébé. Joli, mais abandonné par sa mère, car mise au monde hors mariage… Elle fut tout d’abord élevée par sa tante, dans un petit village italien, avant de rejoindre Paris au moment d’entrer dans sa vie d’adulte. Elle servit alors en tant que bonne, chez divers patrons, avant de rencontrer Pierre et de se marier avec lui. C’était les années 30, celles de la photo. Juste avant la guerre, elle devait quitter Pierre car il ne pouvait lui donner d’enfant. Au lendemain de la libération, elle devait rencontrer Louis, un veuf déjà père de deux autres enfants, et donnait naissance à Gérard…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En retraçant la vie d’une vieille dame à la mémoire enfuie, Marion Laurent et Arnaud Le Roux (pour le scénario), font une approche sensible et dramatique du thème de la vieillesse. La reconstitution de ces souvenirs passe par de nombreuses étapes qui sont autant de séquences distinctes. Ces dernières occupent en général à chaque fois une planche entière, sous forme du témoignage d’un protagoniste de l’époque : un voisin, la maman, un patron… Si le procédé narratif rappelle un peu celui d’Amélie Poulain, ce catalogue chronologique est un peu fastidieux. Peut-être est-ce pour nous donner le sentiment qu’en dépit de sa fugacité, une vie humaine est tout de même bien remplie ? Ce procédé quasi documentaire permet en tout cas à Marion de rester en retrait de cette grand-mère qu’elle ne le connaît pas intimement, tout en faisant un parallèle avec sa propre existence. Le personnage de Giuseppina qu’elle tente de saisir, restera toujours pour elle une inconnue, bien qu’elle soit à l’origine de sa naissance. Comme pour renforcer l’aspect reconstitution faite de fragments de souvenirs collés bout à bout, le dessin se complète de multiples techniques graphiques : découpages, points de trames zoomés, collages, extraits de presse et pour encore appuyer sur la nostalgie émanant du récit, l’ensemble baigne dans une bichromie ocre/orange qui rappelle les tonalités sépia des vieilles photos. Bref, tout cela est très bien réalisé, mais ne respire pas franchement la joie de vivre… Un premier album artistiquement très abouti, à se réserver pour les jours d’hiver pluvieux…