L'histoire :
Le 12 septembre 1913, nait James Owens – qu’on surnommera Jesse – dans un modeste cabanon d’Oakville (Sud de l’Alabama). Il est le 10ème enfant d’une famille de paysans afro-américains. Il est de nature peureuse et chétive. A 5 ans, il manque de trépasser de terribles fièvres, après avoir été piqué par un serpent venimeux. Dans son délire entre la vie et la mort, il voit alors un chat noir qui se bat contre la mort, qu’il assimile à un homme portant une capuche pointue, façon KKK. Jesse restera toute sa vie ami imaginaire avec ce chat qui joue du banjo et dit s’appeler Essej Snewo. Durant son enfance, Jesse court beaucoup et tout le temps, notamment pour échapper au bouc de la ferme familiale. Il retient aussi l’histoire de sa famille et de l’esclavagisme en général que lui raconte son grand-père. Il sait que les gens de couleur comme lui ont été arrachés à leurs terres africaines pour être transportés enchainés à travers l’océan. Puis ils ont été forcés à travailler par de cruels hommes blancs, notamment dans les champs de coton, aux alentours du delta du Mississipi. La nostalgie de leur condition leur a permis d’inventer le blues, la musique du diable. Ceux qui ne récoltaient pas chargeaient alors des ballots sur les steamers du fleuve, hanté par les alligators…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après avoir imaginé les biographies largement teintées de fantaisie pour de grands artistes comme Henri de Toulouse Lautrec (dans Le cabaret des muses), Vincent Van Gogh et Mozart, le plus suisse des artistes serbes, Gradimir Smudja, honore ici une grande figure du… sport ! Jesse Owens est un fameux athlète afro-américain, quadruple médaillé d’or aux Jeux Olympiques de Berlin en 1936. Il doit notamment sa réputation au mépris de Hitler qui refusa, selon la légende, de serrer la main à un sous-homme noir, alors même qu’il escomptait que ces JO prouveraient la supériorité de la race blanche. Cette anecdote est totalement apocryphe (imaginée par la presse) et d’ailleurs, Smudja n’insiste pas, se contentant de tourner à la caricature Hitler et Goebbels. Jesse Owens a néanmoins authentiquement souffert de la ségrégation dans son propre pays et Smudja aborde ce point (Roosevelt l’a snobé, à des fins électoralistes). Surtout, au cours d'une très longue partie en amont des JO, Smudja part dans des délires fictifs et spectaculaires, pour brosser un portrait général de la condition des noirs à l’époque de la grande dépression. Il invente à Owens un ami imaginaire félin et anacyclique (Essej Snewo)… toujours un chat, comme dans ses précédentes œuvres. Ce chat ménestrel épaule Jesse Owens durant toute sa vie et lui fait affronter des aventures délirantes (une nage contre un alligator, une course poursuite sur les poutrelles métalliques tout en haut de buildings en construction…). Ce biais permet d’aborder l’esclavagisme, les hobos (vagabonds à bord des trains), le Mississipi, les tornades, le Ku Klux Klan… Chaque case dessinée à la peinture est une toile à elle seule. Régulièrement, au cours des 125 pages de ce volume grand format, l’artiste nous gratifie d’impressionnantes toiles panoramiques sur doubles pages (les esclaves dans les cotonniers, le chariot ferré poursuivi par une locomotive sur un pont, la pyramide d’éléphants dans le cirque…). C’est comme toujours virtuose, extravagant, hagiographique… On en prend certes plein les mirettes, mais pour la dimension biographique authentique, on repassera.
