L'histoire :
Mineur de fond de profession, le jeune Orféo est « meneux d’quéviaux ». Au fond d’un boyau d’une mine de Lens, il pousse le vieux cheval Pigeon jusque dans la nacelle d’un monte-charge. Il lui a bandé les yeux, car Pigeon n’a été sorti à ciel ouvert qu’à trois reprises au cours de sa vie. Mais une fois à l’extérieur, sans doute aveuglé par la puissante lumière du jour, Orféo s’évanouit. Quand il reprend connaissance, Pigeon gambade à l’aveuglette et le paysage n’a plus rien en commun avec ce qu’il connaissait : à la place de l’entrée de la fosse 9, se tient une sorte de bâtiment moderne en verre. Orféo rattrape Pigeon à l’intérieur de la construction, qui ressemble à un musée. Il le calme et puisque la porte s’est refermée, il lui propose une visite de ce qu’il ignore être le musée du Louvre-Lens, vide de tout visiteur. Les différentes statuettes qu’il croise lui évoquent alors des souvenirs : le grand Dédé ou la petite Yvette. Soudain, une idole syrienne bizarre se met à lui parler et devise avec lui de la vocation de ce lieu, de la raison d’être de l’art… ou elle l’interroge sur son art de la mine et du chevalement…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Au gré de leurs nombreuses coéditions, les éditions Futuropolis et le Louvre n’avaient pas encore évoqué la succursale lensoise du célèbre musée. Pour rattraper cela et y faire enfin honneur, Philippe Dupuy (une moitié du couple « Dupuy et Berberian ») embrasse logiquement la thématique minière, plus que vigoureuse dans cette ville au lourd passif charbonnier. Le bâtiment a en effet été édifié à proximité immédiate des terrils et de la fosse 9, ce qui est une première occasion de parenthèse historique (le boyau fut entièrement inondé par les allemands en 1917 !). A travers une narration largement teintée d’onirisme, notre jeune héros « meneux d’quéviaux » (meneur de chevaux) bénéficie alors d’une visite, guidé en cela par les différentes œuvres présentés au Louvre-Lens elles-mêmes. Avec pas mal d’intuitions et de savoir-faire narratif, le scénariste offre ainsi à son héros moult parenthèses sémantiques entre les œuvres et l’exploitation minière intensive locale. Qu’est-ce que l’art, exactement ? Qu’est-ce qui relie entre elles toutes ces œuvres issues de siècles et de lieux différents ? Le travail à la mine et le rôle d’Orféo auprès des chevaux qui tiraient les wagons, ne peuvent-ils pas être considérés comme des arts également ? En tout cas, la réflexion est bel et bien au rendez-vous et l’envie d’aller visiter le Louvre-Lens fonctionne à merveille. Ambitieux, le propos est admirablement cerné. La dessinatrice Loo Hui Phang met en image ce parcours philosophique et culturel avec un style moderne, adapté au registre à défaut d’être… « beau ». Mais qu’est-ce que le beau ?