L'histoire :
Le métier est dur… Jean-Claude passe sa vie sur l’autoroute au volant de son bahut, seulement soulagé par le lecteur CD qui joue Dylan en boucle sur le ruban. Pas facile non plus pour Nouria, serveuse dans un « routier » propriété de sa majesté Salopard 1er qui laisse souvent balader ses mains… Elle n’a jamais eu beaucoup de chance avec les mecs, d’ailleurs, en commençant par celui qui a mis les bouts dès qu’il a su qu’il allait être papa. Ces deux là échangent, d’abord, un sourire au détour d’une pause-déjeuner du camionneur. Puis sans trop réfléchir, ils se font ensemble la malle vers Bordeaux : un coup de sang de JC qui soustrait Nouria aux coups de son patron, vexé que la belle ait refusé de passer à la casserole pour qu’il ferme les yeux sur ses petits larcins. Ils roulent ensemble vers Lormont où un copain de Jean-Claude lui prête une piaule, le temps que l’ex-serveuse se repose et fasse le point. Il ne lui demande rien, Jean-Claude, pas même un baiser et se contente d’allers-retours entre le petit meublé et Tarbes, où sa femme et ses 3 fils l’attendent. Quand Nouria se décide enfin à mettre le nez dehors, JC n’est plus très loin de tout plaquer. Elle trouve le temps long à Lormont : beau mais chiant. Nouria s’émancipe alors et sort s’amuser à Bordeaux. Jean-Claude est lui déterminé à passer à l’action…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Au diapason du blues de Bob Dylan Meet me in the morning, Emmanuel Moynot nous balade sur les routes du sud-ouest de la France, à la rencontre de deux attachants loosers que les cahots de la vie ont fait se rencontrer. Renouant avec un style narratif proche du roman noir américain, où la tension est palpable à chaque page, l’auteur nous propose une tranche de vie pleine de désillusions. Contrairement à ses ouvrages précédents, il choisit pour ce nouveau récit du malheur au quotidien, de bannir la violence physique et le meurtre. Il se concentre alors sur la violence psychologique, beaucoup plus pernicieuse, mais tout autant dévastatrice. On aime alors le voir jouer avec ses protagonistes qui, tour à tour, se relaient en voix-off pour donner leur vision de ce tournant de leur existence. On s’impatiente de les voir s’approcher du bonheur qu’ils recherchent, pour les voir brutalement s’enfoncer à nouveau… avant de repartir ? Habitué aux productions en noir et blanc, Emmanuel Moynot nous propose ici un univers très coloré, mais qui fait la part belle à la bichromie : un agréable va et vient entre plusieurs tons qui renforce l’ambiance particulière du récit. Une lecture qui, loin de nous apaiser, nous rive à la réalité : une vie loin des paillettes, digne de figurer sous les notes d’une sad song à la Dylan…