L'histoire :
1943. Paris est occupé par l’envahisseur allemand après la débâcle française. Malgré les tumultes de la guerre, le jeune Justin, 22 ans, est éperdument amoureux de la belle Renée et il compte bien l’épouser au plus vite. Cependant, le nouveau gouvernement de Pétain est sous la botte allemande. Et pour fournir à l’occupant la main-d’œuvre qu’il réclame pour ses usines de l’autre côté du Rhin, le régime de Vichy vient tout juste de créer le STO, le Service du Travail Obligatoire. Tout comme des centaines de milliers de jeunes Français, Justin est alors réquisitionné et contraint de partir en Allemagne pour participer à l’effort de guerre. Et tout comme ses malheureux compagnons, il ignore ce qui l’attend là-bas. Toute sa vie, Justin s’en voudra d’avoir obéi à Vichy... mais avait-il vraiment le choix ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec L’œil du STO, le scénariste Julien Frey raconte la vie de Justin, le grand-père de sa femme, réquisitionné pour partir en Allemagne dans le cadre du STO. Malgré une seule année passée à travailler dans les usines de l’envahisseur, l’homme en a gardé un souvenir amer. Si bien qu’en 1977, lors de sa retraite, il refuse que l’année 1943 soit incluse dans le calcul de sa retraite. Avec cette bande-dessinée, Julien Frey va poser des mots et un récit sur l’année noire de Justin, tout en alternant passé et présent afin de mettre en lumière le vécu du personnage principal, mais aussi celui de Renée et de leurs enfants. Derrière la vie de Justin au cœur du STO et après la libération, Julien Frey réussit le tour de force de dévoiler un pan de notre Histoire assez méconnu et révèle les fractures de tous ces hommes réquisitionnés, vus comme des collabos par une majeure partie de la société d’après-guerre. Ça prend aux tripes... En ce qui concerne les dessins, le trait crayonné de Nadar, très énergique, apporte beaucoup de mouvement à l’ensemble et permet une lecture fluide tout au long de ces 200 pages. Il est à noter que l’artiste a opté pour des planches en noir et blanc, et force est de constater que cette approche colle parfaitement avec le sujet traité, un peu à la façon du Maus d’Art Spiegelman. Au final, L’œil du STO est un récit fort et sans concession qui permet d’en savoir plus sur ce pan de l’Histoire que la France souhaite faire oublier. Derrière l’aventure de Justin en Allemagne, le lecteur prend conscience de ce qu’ont vécu tous ceux qui ont dû partir à marche forcée dans les usines de l’occupant et des conséquences sur leurs vies après la libération. Au-delà du caractère historique du récit, c’est un véritable plaidoyer pour la liberté que nous offrent Julien Frey et Nadar au travers de la vie de Justin.