L'histoire :
Huzlehurst, petite ville du Mississipi, une journée de juin juste avant la grande dépression… 2027 misérables âmes baignées par une brise tiède et humide chargée d’effluves sucrées qui donnent la nausée aux étrangers… C’est d’ailleurs exactement le sentiment qui envahit Bull Rockwell et Elmer Turpin lorsqu’ils quittent la camionnette du fossoyeur et posent leurs pieds dans la ville pour la première fois. Les deux associés sont ici pour faire affaire avec un certain Mr Black. Des affaires d’un genre particulier, où l’on use de moyens radicaux pour faire valoir son point de vue… Ils louent bientôt une chambre dans l’unique hôtel du bourg tenu par un inquiétant adolescent au goitre naissant (jamais bon signe selon Turpin). Le hasard (ou le destin) fait qu’à quelques chambres de là, Mr Oerle, éminent représentant de la Vocalion American est dans tous ses états. En effet, au moment même où il s’apprête à l’enregistrer, le guitariste de blues Hambone Jackson refuse de jouer et de chanter : pas question de pousser la ballade sans la présence de sa fiancée Ophélia. Hambone est pourtant une valeur sûre dénichée par chance, il y a peu, par Jim O’Rourke, dans un champ de coton. Le hasard, qui joue décidemment une drôle de partition, fait que Jim avait quitté Huzlehurst quelque temps auparavant. Il avait préféré fuir la ville dans laquelle il avait accidentellement tué son frère pour les doux yeux de la belle et sensuelle Omara…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dés le premier regard sur la couverture, l’œil est capturé. Moitié happé par le travail graphique particulier de Leila Marzocchi, moitié titillé par les signaux adressés : une guitare, un virtuose implorant, une maison qui brûle et deux personnages aux visages cadavériques inquiétants. La première planche ne nous laisse plus aucune illusion : on sent déjà le drame et la misère coller sur le bout de nos doigts. Igort nous offre, effectivement, une plongée en plein sud des états unis, dans une ville poisseuse où coule la misère à gros bouillon. Une atmosphère propice à livrer un focus douloureux sur des protagonistes que la destinée n’épargne pas. Des tueurs à gages caricaturaux, à la belle Omara, en passant par le bluesman prodige et le blondinet irlandais, tous y laisseront leurs plumes sans n’y rien gagner… Que ceux qui s’attendent à un récit touffu passent leur chemin. Igort, en vrai fan du genre, propose un récit d’ambiance, un blues à sa façon où chaque planche raisonne comme une harmonie d’accords mineurs qui tord les boyaux : un poème rauque et prenant, rythmé par une voix-off à l’incroyable musicalité. Le style graphique de Leila Marzocchi et la mise en couleur utilisée complètent la partition en renforçant l’aspect dramatico-fantastique de l’histoire : un travail original qui ne laisse pas indifférent. Ce bon album est le premier couplet d’un morceau en 4 parties (autonomes) dont les 2 dernières seront dessinées par Igort himself. Attendons donc avec impatience les prochaines notes de cette mélodie…