L'histoire :
Une femme sur un canapé, dans une position bizarre, un chien dans les bras, un homme nu étalé à ses côtés. Une autre en culotte tend de profil un bébé à bout de bras au dessus d’un chien assis, une baballe dans la gueule. Le bébé pleure dans une chambre vide et carrée, un lapin géant à ses pieds. Deux hommes, côte à côte, se tiennent le sexe sans se regarder. Ces premières descriptions ne reflètent en rien le contenu de cet ouvrage, différend en fonction de l’œil qui le regarde…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On vous l’accord bien volontiers : la notation ci-contre n’a aucun sens au regard de l’ouvrage. Sur quelle échelle doit-on se placer pour « juger » ce livre, qui n’a plus grand-chose à voir avec une bande dessinée ? Car dès lors qu’on lit, qu’on le veuille ou non, on juge… De même, l’analyse qui suit paraîtra sans doute à nombre d’entre vous trop cartésienne. Encensé par ses pairs, Blutch poursuit depuis quelques années une démarche artistique intéressante, en marge du 9e art, beaucoup plus proche de l’art contemporain et de la question philosophique que du divertissement « classique ». Si ses derniers « roman graphique » pouvaient encore s’apparenter au « medium BD » dans la forme, la Beauté présente a désormais franchi la frontière du recueil d’art. Ses illustrations, toujours intéressantes, parfois hermétiques, souvent dérangeantes, montrent le fruit d’une recherche permanente autour de la notion du beau (qui ne veut rien dire en soi). En effet, selon la norme/culture à laquelle on se réfère, le sens de la beauté fluctue. La centaine de « planches » ici proposées, enchaîne des thèmes récurrents et raconte le sentiment intérieur que vous voudrez bien y voir. La nudité féminine, tantôt obscène, couchée sur le ventre jambes écartées, à l’extérieur, un chien, un coq, à l’intérieur, des bébés, des fillettes, le corps en tant que chair, des analogies de formes, d’ambiances glauques, un décor urbain, sur une planche, sur deux planches… Des « gribouillages » crayonnés, bruts et ternes, toujours sombre, tantôt très précis, tantôt quasi-enfantins… On est bombardé d’images qui nous renvoient une vision du monde particulièrement tourmentée, à la limite de la démence, mais assurément intéressante… ou imbitable, selon votre analyse de l’art et du beau.
