L'histoire :
1944, Montmartre. Sous une pluie battante, une moto file à vive allure dans un Paris bientôt libéré. C’est le docteur Louis-Ferdinand Destouches qui gagne son domicile. Arrivé sur le palier, la concierge lui donne une lettre qui s’avère être une nouvelle lettre de menace. La voisine du dessous, madame Champfleury, lui demande de venir : il faut soigner un « invité ». Il s’exécute et rédige pour le blessé un certificat médical pour le S.T.O. Le docteur Destouches a d’autres projets : il souhaite quitter Paris avec sa femme Lucette et leur chat Bébert. Il veut aller au Danemark récupérer son trésor de guerre enterré dans un jardin. Des pièces d’or et des billets de banque, tonnerre de cul. Des années de droits d’auteur ! Pour partir, il faut passer par la case « papiers en règles ». Destouches se rend à la préfecture pour obtenir des visas. Ensuite, il file avec femme et chat, à la Gare de l’Est pour prendre un train pour l’Allemagne. Arrivé à Baden-Baden, il retrouve la route de Robert le Vigan, un comédien collabo qui vient de quitter le tournage des Enfants du Paradis de Marcel Carné. Il a pris la poudre d’escampette pour échapper à l’épuration...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
« Docteur Destouches », ce nom ne vous dit sûrement rien. Et pourtant, il est l’un des plus grands écrivains français. Destouches, c’est le vrai nom de Louis-Ferdinand Céline, l’auteur du fameux Voyage au bout de la nuit. Un auteur peu fréquentable pour ses pamphlets antisémites. Mais, aussi un auteur génial qui a révolutionné la littérature française par son style proche du langage parlé. Jusque-là seul Tardi avait eu l’occasion de s’illustrer sur les textes de Céline. La cavale du docteur Destouches s’inspire librement de trois ouvrages de Céline : D’un château l’autre, Nord et Rigodon. Qui mieux que Christophe Malavoy, comédien et romancier, pouvait s’attaquer à ce récit ? N’a-t-il pas déjà écrit un ouvrage de l’homme avec Céline, même pas mort ! Malavoy brosse le portrait d’un homme acariâtre ascendant misanthrope qui oscille entre le collabo et l’opportuniste. Pourtant, il ne portait pas Hitler dans son cœur. Destouches n’hésite pas à brocarder le Führer : « Je ne suis pas très germanisant, c’est vrai, surtout, avec l’autre ballot, là, qui est en place… fripouille cent pour cent… gâteux fini… surbranlé… vaut tout juste un contrôleur de métro ! ». Malavoy épouse le style Céline, argotique à souhait, plein d’expressions sorties de derrière les fagots. Le tout dans un univers de farce délirant où les personnages en font des tonnes. Pas forcément accessible au commun des lecteurs de bédés. Pas forcément ce que l’on a l’habitude de lire. On a d’ailleurs plus l’impression d’assister à une pièce dessinée. Pour sa première fois dans le 9ème Art, Malavoy fait une entrée fort intéressante, même si cela reste un poil verbeux, ce qui nuit à la fluidité de la lecture. Le trait à quatre mains des jumeaux Brizzi venus de l’animation vaut à lui seul le détour. Jadis, ils ont réalisé Astérix et la surprise de César et travaillé pour Disney (Le Bossu de Notre-Dame, Fantasia 2000). Un dessin proche de la caricature où les personnages partent dans des envolées lyriques accompagnées de leurs visages surréalistes. Robert le Vigan est absolument parfait en comédien névrosé (éjecté du tournage des Enfants du paradis) avec sa gueule très cartoonesque. Sans oublier un Céline à la mine patibulaire et des personnages très burlesques, comme la généreuse Dame Frucht…