L'histoire :
Un groupe de jeunes décide de s'installer en communauté dans la campagne nantaise, avec toutes les réflexions préalables que cela implique. Ce groupe a choisi de vivre son idéal, au début des années 70, un idéal qui n'est pas celui de tout un chacun. Il y a du travail pour tous, le partage et la mise en commun, valeurs implicites des communautés, s'arrêtent au pas des portes de chaque maison, en allant plus loin de chaque chambre, et tout le monde reconnaît ses enfants... Tout commence un peu avant les évènements de 68. Chaque acteur livre sa « biographie » et revient sur les raisons qui l'ont poussé à vivre en autarcie, tournant le dos à la société, pour réaliser son rêve. Pour faire vivre le groupe, les membres montent une « petite entreprise » de sérigraphie, qui leur permet d’apporter les revenus nécessaires à la vie de la communauté, à « La Minoterie ». Celle-ci n’est pas repliée sur elle-même mais au contraire très ouverte sur la population « rurale », auprès de laquelle chaque membre s'enrichit, essentiellement en techniques de culture et d’élevage...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La Communauté est la retranscription en bande dessinée de plusieurs entretiens (d'où le titre) entre les 2 auteurs, Hervé Tanquerelle et son beau-père et cofondateur d’une communauté au début des années 1970, Yann Benoît. Les auteurs se mettent en scène, en prenant le recul nécessaire sur les événements. Tanquerelle pose toutes les questions qui s’imposent, naïves ou doucement provocantes. Le dessin marie différents styles et techniques en fonction des situations contées, parfois presque expressionnistes. L’album est dense, ludique, drôle et riche en réflexions enrichissantes. Car La Communauté n’est pas seulement ce qu’on peut croire a priori : nous aurions pu redouter l’énième commémoration soixante-huitarde, sans doute sincère et ayant valeur de témoignage historique, mais véhiculant une nostalgie élimée voire fantasmée. Ou pire, l'histoire d'une bande de hippies se laissant vivre en passant la journée à contempler les petites fleurs, se les accrochant dans les cheveux. Au passage, les protagonistes ne passent pas non plus leur temps au-dessus des nuages sous l’effet de substances illicites. Il s’agit plutôt d’une bande dessinée drôlement habile où Tanquerelle (Professeur Bell, Le legs de l’alchimiste, Lucha libre) s’amuse à varier les formats et les styles. Les personnages jouent à rassembler leurs souvenirs (son beau-père et lui-même) et prennent souvent place dans le décor. A des milles de l’idée qu’on peut se faire de la mise en image d’un dialogue, le résultat est alerte et vivifiant au point de se lire d’une traite. Cette première partie est un moment rafraichissant et instructif sur bien des points. Cette histoire de véritable retour à la terre et de choix de vie vous fera un bien fou !