L'histoire :
Positionné en retrait du onzième régiment pour guider la Croix Rouge qui vient récupérer les morts, Amédée finit par se laisser distancer et ne parvient plus à rejoindre ses compagnons, le réservoir de sa moto percé par une balle. L'obus qui s'est abattu sur les soldats français en route vers le front n'est que le début d'une période de revers militaires pour l'armée française, et le jeune soldat va bientôt croiser trois hommes du 35ème, qui sont occupés à enterrer les victimes d'une autre attaque. Puis c'est André qui les rejoint, le fusil à l'épaule, à la recherche du 65ème. Les allemands progressent partout et s'approchent inéluctablement de Paris, rencontrant peu de résistance. Les deux soldats vont alors décider de faire un bout de chemin ensemble, et rencontrent des colonnes de français sans armes, avec des matelas sur des carrioles ou des voitures, emportant loin du front ce qui semble leur être le plus cher. Mais très vite, des avions allemands survolent le convoi et tirent sur les hommes et les femmes sans défense. L'attaque passée, la troupe reprend sa route résignée, tandis qu'André et Amédée repartent à contre sens. De maison vide en attaque-surprise, les deux compagnons d'infortune vont tenter de rejoindre ce qui reste d'une armée française dépassée et impuissante.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Deux hommes réduits à l'impuissance dans les premiers mois de la seconde guerre mondiale, qui se promènent sur les routes de France et assistent à une défaite annoncée. Amédée et André ne font que constater la résignation de tous : des autorités militaires qui tentent de faire avancer leurs régiments, aux citoyens sans défense qui fuient la destruction de leurs maisons et de leurs villages. Sans poser de jugement ni mettre en avant le contexte militaire des évènements, Pascal Rabaté se concentre sur le comportement de ses deux personnages, qu'il plonge dans des situations dramatiques ou simplement décalées. Deux êtres humains confrontés à l'absurdité de la guerre, qui continuent de tenter simplement de rejoindre leurs pairs, et de survivre eux-mêmes. Le sens du dialogue de l'auteur est présent à chaque instant dans cette chronique sans illusion, qui n'abuse ni du drame, ni des émotions faciles. Quelques scènes muettes donnent à voir une violence absurde, comme le bombardement d'une ferme vide habitée seulement par des lapins qui prennent la fuite. Rabaté se laisse porter par des envies graphiques autour d'un noir et blanc sobre, parfois très réussi dans ses jeux de lumière, parfois étrange comme les ombres obsédantes des arbres des premières pages. Le premier tome de ce diptyque surprend par son ton faussement détaché et capte l'intérêt, sans effet de manche, mais avec la vraie personnalité d'un auteur complet.
