L'histoire :
Désormais prisonniers des soldats allemands, Videgrain et ses collègues vivent au sein d'une cohorte de prisonniers qui marche sur les routes de France vers une destination qu'ils ne connaissent pas. Les discussions du soir à la belle étoile permettent d'apprendre à se connaitre un peu, de rencontrer des histoires personnelles différentes, du comptable qui n'avait jamais quitté sa province au soldat africain. Les quelques hommes qui pensent à s'évader se reconnaissent et se regroupent très vite, sans savoir s'ils pourront mettre leur projet à exécution. La nourriture est rare, les allemands savent réprimer avec violence toute tentative de rébellion. S'ils suivent les ordres et marchent sans résister, les prisonniers vivent des journées presque routinières. « Fais comme le reste de la troupe, pense à autre chose » dit Videgrain à l'un des hommes qui veut renoncer, mais est violemment contraint de reprendre la marche. Alors que les soldats de l'armée victorieuse leur annoncent qu'ils devront se nourrir uniquement avec les propres rations qu'ils possèdent encore, les soldats s'endorment au milieu d'un champ, et découvrent au matin l'un des leurs qui s'est pendu à la branche d'un arbre. Trois hommes sont désignés pour l'enterrer, et les discussions s'engagent sur le moment de tenter quelque chose.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les premières pages de ce deuxième volume nous plongent au sein du groupe de prisonniers français sous l'angle d'une vie quotidienne qui semble déjà rythmée par des habitudes et des routines. Bien entendu, parmi la foule d'inconnus, quelques visages s'animent autour de Videgrain, et le projet abstrait de l'évasion. En multipliant les plans sur la cohorte grandissante des soldats sans armes qui marchent sous la surveillance des fusils allemands, Pascal Rabaté parvient à donner une très forte impression de renoncement collectif. Certaines images où les silhouettes ne sont plus qu'esquissées, ou deviennent des ombres allongées sous la lumière de la lune, sont très fortes et constituent des moments narratifs impressionnants. L'auteur n'hésite pas à prendre ce recul pour s'exprimer de manière purement graphique, dans un style à la fois familier mais plus épuré qu'à l'habitude. Certaines pages très claires comportent peu de décors, d'autres multiplient les effets d'ombres sur des prisonniers debout. Rabaté s'appuie davantage sur la mise en scène que sur les dialogues entre les personnages, et son savoir-faire est évident lorsqu'il veut frapper les esprits. Le lecteur devient l'observateur d'une débâcle presque sans résistance, des liens humains qui se tissent, des moments de courage et des abandons les plus lâches. Le ton de ce diptyque est juste de bout en bout, sans morale ni jugement. Les hommes et les femmes qu'il décrit sont des français tout simplement normaux, plongés sans ménagement dans un contexte absurde et violent.