L'histoire :
XVIème siècle. Allemagne. Lorsque Luther affiche sur la porte de l’église de Wittenberg ses 95 thèses contre le commerce des indulgences, que la papauté monnaye pour financer la construction de Saint-Pierre de Rome, il ne pensait pas que cela prendrait de telles proportions. En effet, ce texte écrit en latin, très vite traduit et imprimé, est diffusé partout en Allemagne malgré les réticences de son auteur, effrayé par le succès de ses écrits, si bien que ce sera le point de départ de la rupture de l’Allemagne avec Rome ; le point de départ de la Réforme. Le peuple, exploité par les seigneurs (perpétuelles corvées), rançonné par l’Église (impôts sur tout et sur tous), entend les paroles de Luther comme un appel à s’insurger contre le sort qui lui est fait. De son côté, Thomas Müntzer, prêtre auxiliaire à La Halle, à 80 kilomètres de Wittenberg, l’entend aussi et soutient activement les paysans qui pillent les monastères, libèrent les nonnes des couvents et incendient les châteaux. Dans un premier temps, Luther apprécie d’être suivi par le peuple, mais quand les révoltes s’étendent avec une violence toujours plus grande, il décide de faire cause commune avec les princes, la noblesse et le clergé. Müntzer, lui, continue à soutenir le peuple et devient un véritable agitateur politique. C'est dans ce contexte-là que le jeune Luca Ponti est envoyé par le pape Léon X à Wittenberg pour être ses yeux et ses oreilles. Bref, pour être son espion...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Initialement prévue pour être adapté au cinéma par Roberto Rossellini, La Guerre Des Paysans, écrit par Gérard Mordillat après de très nombreuses années de recherches, arrive aujourd’hui sous la forme d’une bande dessinée. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que, dès les premières pages de cet ouvrage, on est tout de suite happé par le récit des événements de Wittenberg après les thèses de Luther. L’immense travail de recherche de l’auteur prend ici tout son sens au travers d’une narration rythmée et ô combien intéressante. Qui plus est, au-delà de l’aspect historique de l’histoire, c’est toute la notion de la lutte des classes qui est mise en avant par Gérard Mordillat. L’ouvrage permet de découvrir Luther via un nouveau prisme et d’en apprendre un peu plus sur le prêtre engagé Thomas Müntzer. Enfin, l’ensemble est mis en place d’une manière fluide, ce qui permet une lecture très agréable. L’artiste Éric Liberge a opté pour un crayonné très fin et ultra détaillé qui retranscrit à merveille le récit de Mordillat et ses recherches. Le parti pris du noir et blanc permet de rehausser les ambiances froides de l’Allemagne du XVIème siècle. En somme, voilà une œuvre racée et de haute volée, qui se lit d’une traite tant la narration et les dessins sont exceptionnels !
