L'histoire :
Enfant, la juive hongroise Miriam Katin a vécu l’enfer avec sa mère en Europe sous joug nazi. Après en avoir réchappé, la famille s’est ensuite exilée pour s’installer à New York. C’est dans cette grande ville américaine que Miriam, aujourd’hui septuagénaire, vit toujours de son talent d’illustratrice, aux côtés de son époux clarinettiste, Geoff. Chez elle, elle procrastine, elle s’inquiète des cafards qui prolifèrent dans la maison, elle regarde les bateaux passer sur l’Hudson, elle s’énerve d’entendre toujours les mêmes musiques… Et elle se réjouit quand son fils lui annonce via Skype® sa venue prochaine en compagnie de sa fiancée, Tinet. C’est la fête dans la tête de Miriam. Elle fait des courses, cuisine et accueille les enfants avec une grande joie. Pourtant son fils lui fait alors une demande qui va la bouleverser : il souhaite vivre quelques temps à Berlin et acquérir la nationalité hongroise. A cette annonce, Miriam s’insurge : jadis, les hongrois ont voulu les exterminer et ce souvenir a bâti une puissante conviction de rejet dans son esprit. Pourtant, au fil d’un travail psychologique qui va durer des semaines et après un voyage homérique en Europe, Miriam devra se résoudre à accepter…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec Seules contre tous en 2006 (et sa réédition récente par Futuropolis), Miriam Katin dévoilait sa tragique expérience d’enfance aux côtés de sa mère, dans la Hongrie sous domination nazie. Avec Lâcher prise, elle boucle la boucle. Elle réemploie la même veine autobiographique, mais se campe bien des années plus tard, à notre ère contemporaine. C’est aux USA que ce traumatisme d’enfance rejaillit brusquement dans sa vie, lorsque son fils lui annonce qu’il veut acquérir la nationalité Hongroise et vivre à Berlin. Il faut avoir lu Seules contre tous pour pleinement comprendre l’ampleur de la trahison alors vécue par l’auteure. Ce sujet (enfin) posé, Katin s’emploie ensuite à décliner le long périple intérieur qu’elle a dû entreprendre, en 150 planches. Entièrement crayonné et majoritairement en couleurs, le dessin stylisé et délicat fluctue en fonction de la tonalité, des émotions. Toutefois, s’il n’est pas toujours évident de garder le fil du récit, ce n’est pas tant en raison de ces variations graphiques, qu’à cause un léger déficit de cohérence narrative. L’auteure emploie en effet une linéarité quelque peu bordélique, faite de séquences détachées empilées, se muant tantôt en auto-parodie, tantôt en carnet de route. Cela révèle le biais peu évident nécessaire à attaquer un sujet aussi personnel et douloureux. Le lecteur finit par accrocher, une fois la tonalité définie… pour partager un témoignage parfois vraiment très intime (à Berlin, elle somatise tellement qu’elle en attrape une chiasse d’enfer… et elle dessine en détail cette séquence). Bien que décousu dans sa narration qui digresse et prend son temps, ce roman graphique sonne donc comme un exorcisme pour Katin et cerne parfaitement la problématique de l’acceptation. Cette œuvre de Mémoire différente des autres, finalement assez proche de Lost in translation, offre une modernité peu courante dans ce registre.