L'histoire :
Sur une île déserte, un homme ouvre son portefeuille et brûle tout ce qui le relie à la civilisation : son passeport, ses cartes de crédit et la photo d’une jeune femme. Archipel des Banyak, Indonésie, au large de Sumatra, été 1984. Un bateau file à vive allure. À son bord, quatre personnes (Léonard, sa femme Isabelle enceinte de leur enfant, Bernard et leur conducteur) sont en train de faire des prises de vues pour un documentaire. L’équipe est interceptée par l’armée qui inspecte l’embarcation. Le chef des militaires les informe que le GAN, un mouvement politique, veut l’indépendance de la province du Banda Aceh. Ce groupe rebelle armé désire installer la charia, la loi islamique. Ils accostent dans un village Banyak, suscitant la curiosité de la population locale. Ils sont accueillis par le Chamat du village qui leur présente Siska, sa femme et Erwin, son fils. Leonard explique les raisons de leur venue : ils veulent faire un documentaire sur les ravages de la pêche à l’explosif, l’une des spécialités des Banyak. Ils veulent montrer le suicide de leur population, comme la prédiction de la dégringolade des pays dits civilisés. Furieux d’être face à des donneurs de leçons, le Chamat leur ordonne de quitter les lieux sur le champ...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après le déroutant Tsunami, Stéphane Piatzszek retrouve son compère Jean-Denis Pendanx. Les deux compères continuent d’explorer l’île de Sumatra avec son décor paradisiaque et ses eaux cristallines. Avec le Maître des Crocodiles, le scénariste de Commandant Achab revisite le Moby Dick d’Herman Melville, un mythe qui lui colle à la peau (avec un twist final original). La vengeance s’opère pour Léonard, qui désire achever, 30 ans après, celui qui est coupable du malheur de sa vie, « N’a-qu’un-œil », un crocodile gigantesque. Le reptile ne lui a pas arraché une jambe, mais sa raison de vivre. Derrière cette vengeance, Piatzszek plante le décor du drame écologique que vit sa population. La pêche à l’explosif a disparu, mais la déforestation a pris des proportions importantes. Le paysage est défiguré. L’activité humaine est responsable. Pendanx à la palette est toujours aussi subtil dans son trait. Il restitue toute l’atmosphère luxuriante de ces terres tropicales avec ses couleurs chatoyantes. Il retranscrit parfaitement la profondeur et l’intensité des eaux indonésiennes aux nuances de bleu. Mais ici, ce sont bien les scènes d’attaque et de combat avec le crocodile qui impressionnent. La cruauté de la première attaque marque les esprits et reste longtemps en mémoire, le livre terminé. Oui, la vengeance est un plat qui se mange froid…