L'histoire :
Le périple indonésien de Troub’s débute à Balikapan dans le « complexe Total » où il est chargé par l’industriel de servir son art du dessin et de la BD aux enfants des employés expatriés de la compagnie : une vie rythmée par son travail et son intégration à la communauté « gauloise » de l’île. Plutôt à la recherche des sensations que peuvent lui apporter cette immersion au cœur d’une autre civilisation, le dessinateur est friand de balade en solitaire, muni de son inséparable carnet de croquis, ultime outil de communication en pays de langue inconnu. Mais pour Troub’s cette plongée semble insuffisante : une fois terminé son travail à l’école, il compte exploiter les 7 semaines de visas restant pour explorer le pays. Mais vers quelle destination ? C’est le père Joseph, un affable prêtre italien, puis Philippe et Sophia qui vivent au complexe, qui le convaincront de partir à la rencontre des Dayaks en pénétrant le plus loin possible à l’intérieur des terres, en remontant le fabuleux fleuve Mahakam, seule voie possible de communication. Sophia, elle-même originaire d’un de ces villages en amont du cours d’eau, propose naturellement au voyageur une première étape à Long Bagun, où sa famille est prête à l’accueillir : l’aventure débute alors pour confronter le rêve à la réalité…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
D’un coté, les grincheux présenteront Le paradis …en quelque sorte comme un pavé de 200 pages ayant plus de points communs avec le documentaire qu’avec la BD. De l’autre, vous aurez les enthousiastes qui salueront la formidable acuité dont a fait preuve l’auteur pour nous accompagner dans cette immersion en terre inconnue… En bon médiateur, nous satisferons les deux parties, en trouvant chez chacun d’eux de bons arguments. Le format et l’épaisseur du document peuvent en effet freiner les moins courageux d’entre nous, plus habitués au rythme et à la fluidité d’un classique 48 feuillets. Au-delà du volume, c’est surtout la prépondérance du texte sur l’image qui peut déstabiliser : c’est toujours le problème des œuvres hybrides, à la croisée de 2 genres, sans vraiment savoir trancher. De même, en choisissant de livrer sous forme de journal de bord son périple, Troub’s se prive trop souvent de la charge émotionnelle et poétique qu’une narration moins « brutale » aurait suscité. Le dessin comble parfois ce déficit lorsque l’auteur prend le temps du détail et joue finement avec la bichromie (mais pas facile, le paradis en noir et blanc !). On peut néanmoins se satisfaire de l’approche adulte de l’ouvrage, loin d’un écologisme béat d’admiration et naïf, conscient qu’une page est tournée entre harmonie de l’Homme avec la nature et mondialisation : ce voyage balaye définitivement nos douces utopies… Un ouvrage plaisant qui met à l’honneur le dessin en démontrant s’il le fallait qu’il est avant tout un formidable outil de communication, polyglotte et multiculturel…