L'histoire :
Au début du siècle dernier, le Congo français est dirigé par son quatrième commissaire général, Emile Gentil, et la situation de la colonie fait beaucoup parler dans la presse progressiste en métropole. Alors que l'opinion publique est dominée par un sentiment de revanche envers l'Allemagne, le traitement répugnant infligé aux habitants noirs du Congo réussit à susciter des réactions indignées. La mission de développement du pays a été confiée à des compagnies entreprises qui ont obtenu des concessions exclusives sur les richesses du pays, en échange d'investissements dans les infrastructures. Cet arrangement entre le gouvernement et les intérêts privés ne fonctionne pas. Les travaux ne démarrent jamais, et les congolais sont exploités de manière scandaleuse par des entreprises qui les maintiennent en toute impunité dans une situation de dépendance et de violence quotidienne. Le gouvernement français va confier à Pierre Savorgnan de Brazza, le fondateur de la colonie, la mission d'aller enquêter sur place. Ils pensaient que l'ancien commissaire général allait rendre un rapport qui permette de gérer sans trop de remous des évènements, qui resteraient locaux. Mais il n'en est rien, car Brazza est un véritable humaniste, et son rapport sera tellement sévère qu'il ne sera jamais rendu public.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le récit de Tristan Thil est un travail d'historien, qui s'appuie sur celui de Catherine Coquery-Vidrovitch, spécialiste de l'Afrique. En exhumant et en contextualisant le Rapport Brazza, elle a levé le voile sur des pratiques emblématiques de la colonisation. L'auteur ne cherche pas à scénariser particulièrement les faits qu'il relate, il s'appuie sur le savoir-faire de Vincent Bailly pour donner vie aux scènes clés qu'il choisit de raconter. Bien qu'il soit le personnage central du livre, Brazza n'a pas une grande épaisseur personnelle. Il ne s'agit pas tant d'une biographie que d'un travail de dénonciation. Les personnages s'effacent derrière l'histoire qu'ils incarnent, avec parfois un peu de manichéisme. Mais peut-il en être autrement, lorsqu'on évoque le meurtre d'ouvriers agricoles à l'aide de bâtons de dynamite ? Vincent Bailly propose de son côté un travail efficace aux contours parfois rapides, accentuant uniquement lorsque c'est nécessaire les décors dans lesquels se déroule l'enquête. Les plus de cent pages de l'album y sont certainement pour quelque chose, le dynamisme ne souffrant cela dit aucunement de certaines cases proches du croquis. d'autant que ses couleurs sont riches et maîtrisées, jouant parfois un rôle clé dans l'impact visuel de ses cases. Un album rigoureux et enrichissant.