L'histoire :
A Turin, en 1898, Lucia fait des cauchemars qui mêlent la passion du Christ, un cerf beuglant et ses ébats avec son premier amant, Enrico, un jeune avocat socialiste dont elle est éperdument amoureuse. Mais la jeune femme, catholique fervente, est assaillie de remords et jette au feu les draps tachés de sang, symboles de la rupture de son hymen. Le même jour, c’est un autre drap que son père, le très catholique baron Tommaso Pastore d’Urbino, l’emmène voir : le saint suaire, qui aurait recueilli le corps du Christ, s’apprête à être photographié. Après avoir traversé la ville sous les huées de la foule qui veut voir la monarchie à bas, Lucia et son père arrivent. Toute la noblesse catholique est présente, mais les convives sont suspendus au bon vouloir d’Enrico Spitiero, l’amant de Lucia, photographe émérite qui prête ses globes pour l’expérience. Conviés au repas, les relations sont fraîches entre lui et le père de Lucia…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans ce 2ème tome, on retrouve les héros maudits du Moyen-Âge qui se croisaient sans pouvoir se rencontrer, Lucie et son cousin évêque, dans la peau d’amants une nouvelle fois maudits. La jeune Lucia a des flashs qui la renvoient à cette époque, car elle souffre, déchirée entre son éducation catholique et les certitudes qui naissent en elle sur la fausseté du suaire. On retrouve dans ce tome la réflexion sur la place de la religion auprès des masses laborieuses, et la construction d’un mythe sur laquelle travaillent depuis quelque temps déjà Jérôme Prieur et Gérard Mordillat. De leur côté, c’est plutôt la décontraction de ce mythe à laquelle ils s’attellent, avec talent, pour une construction mentale sur plusieurs siècles, truffée de références, parfaitement documentée. Malgré ce, le lecteur a toujours du mal à se retrouver dans une histoire complexe, touffue et souvent obscure, avec énormément d’images, littéraires ou graphiques. Et d’images, parlons-en… Le trait réaliste d’Eric Libergé, en dégradés de noir et blanc, est toujours incroyable, d’une précision clinique quand il s’agit de saisir les expressions des personnes. La narration lui offre une grande place, avec de nombreuses cases sans texte, majestueuse. C’est encore un objet magnifique, qui ravira les puristes et les passionnés d’Histoire.