L'histoire :
Cette histoire commence par le vol d’un livre dans une librairie, par un jeune étudiant se disant poète. Nous sommes en 1953 et Daniel Brodin, alors pris en chasse dans les rues de Paris par le libraire, a l’impression de vivre le plus beau jour de sa vie. Rien ne laissait penser, en début de journée, que le voleur passerait à l’acte. Poussé à participer à un concours de poésie par une amie de l’université, Daniel Brodin s’était rendu au café Serbier, repère de l’intelligentsia moderne en la matière. Là, au milieu des disciples de Sartre et de ses détracteurs, il avait levé la main quand, pour une expérimentation, on avait demandé si un jeune poète inexpérimenté était présent dans la salle enfumée. Peu sûr de son fait et de peur de paraître ridicule, il avait ensuite déclamé les vers d’un auteur italien. Le succès avait été unanime ; personne ne semblait avoir noté ce « vol » à un artiste, à l’exception d’un étrange dandy qui avait observé très amusé toute la scène en retrait. Démasqué, Daniel Brodin deviendrait à coup sûr la risée du tout Paris au lendemain. La faute à cette passion pour les livres développée depuis son plus jeune âge, passion qui l’avait conduit à la poésie jusqu’à ce misérable larcin…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Impossible de ne pas le reconnaître en couverture (ou au fil des pages), cette silhouette massive qui enlace le jeune Daniel Brodin et répond au prénom de Jean-Michel, c’est sans conteste Gérard Depardieu, ou du moins son personnage de jeune prolétaire arriviste bousculant la bonne société bien-pensante. Aujourd’hui controversé, l’acteur a en effet incarné une sorte d’idéal libertaire immortalisé par le film Les valseuses dont un peu de l’ambiance générale semble avoir déteint ici. Situé au début des années 50, Le voleur de livres raconte en effet l’inexorable transgression d’un jeune étudiant de la haute mal dans sa peau. Aspirant à la grandeur, encouragé par ses rencontres, il bravera tous les interdits jusqu’au point de non-retour (…). Roman d’apprentissage tout autant que chronique sociale, l’intrigue s’inscrit dans la réalité d’une époque tiraillée entre conformisme, tentation de l’anarchie et réinvention d’elle-même. Les références aux écrivains, poètes, lieux fréquentés, etc. sont toutes assurées. Et c’est en cela que l’œuvre intéresse, plus que par son anti-héros pour lequel il est difficile d’éprouver une vraie sympathie. Côté graphique, le choix du N/B allait sans doute de pair avec l’époque et l’ampleur d’un album qui compte près de 170 pages. Le trait est réaliste, parfois figuratif, toujours très expressif en tout cas, au point qu’on pourrait essayer de se raconter cette histoire sans bulles. Au final, Alessandro Tota et Pierre Van Hove signent un travail aussi intéressant que déconcertant. Propre sur la forme, dérangeante sur le fond, leur collaboration fut sans doute pour eux-mêmes tout autant objet d’apprentissage.