L'histoire :
En janvier 1740, la Royal Navy britannique envoie une lettre de mission au commandant George Lord Anson. Afin de servir la guerre contre l’Espagne, il doit embarquer 500 hommes à Plymouth, puis rejoindre la côte Ouest de l’Amérique du Sud en passant le cap Horn, afin d’y nuire à un maximum de possessions espagnoles. On réclame qu’il revienne par le Pacifique, et éventuellement qu’il pille Manille (aux Philippines) au passage. Bien qu’il juge ses ordres partiellement irréalistes – notamment parce qu’on n’a mis à sa disposition que des vaisseaux de 4ème et de 6ème rang – il se sent honoré et gonflé d’orgueil par cette mission. Il a toujours eu la chance de son côté, il se sent déjà porté par le souffle de l’Histoire. En juin 1740, Anson embarque à Plymouth à bord du HMS Centurion, le vaisseau de tête de l’expédition. Mais il apprend alors que les marins et soldats qui lui étaient promis ont déjà été affectés à d’autres missions de seconde importance. Il va devoir trouver des hommes et il ne sait ni où, ni comment. Il confie cette problématique à son jeune chapelain Richard Walter, en dînant avec lui dans sa cabine le premier soir. Afin de pouvoir partir comme prévu début août, on lui envoie 500 vétérans arrachés de leur paisible retraite de Chelsea. Ces 500 vieux soldats ont certes l’expérience de tous les champs de bataille d’Europe, mais pas des voyages au long cours aux confins du monde. D’ailleurs, seule la moitié arrive à Plymouth, les autres ont préféré déserter…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cet incroyable Voyage du Commodore Anson a d’autant plus le goût de la grande aventure martiale du XVIIIème et l’odeur des embruns, qu’elle est absolument authentique. En préambule, les auteurs précisent que le récit est issu du livre de Richard Walter, chapelain du HMS Centurion, A voyage around the world in the years 1740-1744, qui connut un immense succès en Europe à sa parution (1748). Le journal de bord du lieutenant Saumarez retrouvé ultérieurement et une biographie consacrée à Lord Anson viennent compléter la documentation qui permit de réaliser les quelques 265 pages de ce pavé. D’emblée, Christian Perrissin parvient à trouver le juste ton de l’adaptation, entre carnet de bord et récit d’aventure immersif. Dans le contexte de la guerre entre l’Angleterre et l’Espagne, une « mission impossible » est confiée à Anson : saccager les possessions espagnoles sur la côte du Chili. A mesure que les pages se tournent et que les évènements conduisent à l’hécatombe, son périple devient de plus en plus irréaliste. Pour cause première de la catastrophe annoncée, l’équipage vieillissant est particulièrement sensible au pire des fléaux qui sévit en mer à cette époque : le scorbut. Ainsi, à la moitié de l’album, le premier des objectifs confiés à Anson n’est toujours pas atteint… A travers le dessin « jeté » de Matthieu Blanchin, à peine un rough (parfois vraiment très jeté…) complété de couleurs, on suit le recrutement, les tempêtes, les maladies, les avaries, les escales, les errances (ha le passage du Cap Horn !), les pillages, les abordages et surtout l’opiniâtreté exceptionnelle du Commodore, qui parvint effectivement à boucler son tour du monde en remplissant tant bien que mal ses missions. Alors certes, cette BD est un peu longuette, car exhaustive dans les évènements relatés, dense en narratifs (manuscrits), et son dessin est par moment très brouillon, mais on a véritablement la sensation de lire un carnet de bord et d’être immergé dans la grande aventure, comme jamais. Une carte dépliante est insérée en fin d’album, qui retrace l’incroyable parcours autour du monde d’Anson et de son équipage survivant.