L'histoire :
Au crépuscule de sa vie, l’écrivain russe Léon Tolstoï demeure plus que jamais un artisan et un ouvrier dans l’âme. Il vit reclus dans l’atelier de sa propriété, où il retape de vieilles chaussures. C’est à cet endroit que le trouve son épouse Sofia, furibonde. Sofia vient de chasser de leur propriété des anglais et des américains adeptes de la pensée de son époux, venus pour rencontrer leur « maître ». Mais elle vient surtout de découvrir dans les papiers de son mari que ce dernier renonçait à ses droits d’auteurs : il vient d’en faire don de ses livres au domaine public, pour le peuple russe. Sofia ne comprend pas comment il a pu déshériter les siens, alors même que son ventre, à elle, a porté leurs 13 enfants ! Léon, lui, renonce définitivement à expliciter son ardente philosophie antimatérialiste. Il considère la propriété comme un péché, lorsque sa femme en fait une condition nécessaire de l’existence. Il est désormais religieusement plus proche des croyances hindoues, et notamment de la non-violence prônée par Gandhi, lorsque sa femme hurle au blasphème catholique. Avant de faire des gestes qu’il regrette, Léon Tolstoï décide de faire sa valise et de partir vivre ses dernières années en ermite. Il laisse un courrier à sa femme, il prévient sa fille et se fait déposer à la gare. Il montera dans un wagon de troisième classe, et racontera ses souvenirs à ses voisins de voyage…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Léon et Sofia Tolstoï furent amoureux, sans aucun doute. Sinon, la radicalité de la pensée de l’écrivain russe (1828-1910), qui a commis des monuments comme Guerre et paix et Anna Karénine, n’aurait jamais permis qu’ils aient ensemble 13 enfants. Et pourtant cette sorte de biographie mixte s’ouvre sur un divorce de fait, un point de non-retour de leurs divergences quant au sens de la vie. Le voyage en train de Tolstoï vers son ultime ermitage sera l’occasion de moult flashbacks sur sa jeunesse. De son enfance, dans un milieu aisé, jusqu’à sa rencontre avec celle qui deviendra sa femme, en passant par ses révolutions intérieures, son désir de société ouverte en totale opposition avec son milieu ultra bourgeois, son engagement militaire, la création de son école, ses phases dépressives, sa recherche permanente du but de la vie, son engagement militant pour l’égalité, son labeur d’écrivain, ses drames familiaux, sa sincérité (il laisse sa femme lire son journal intime)… Toute la vie de Tolstoï se dévoile à travers cette longue fresque, dense et… aussi interminable (plus de 150 pages !) que la traversée piétonne et longitudinale des plaines de Russie en hiver et par une météo incertaine. A vrai dire, la narration de Chantal van den Heuvel est certes documentée et sérieuse, mais elle est un peu pénible. Or cette morne linéarité est à l’image du dessin d’Henrik Rehr : précis, soigné, détaillé, varié, mais… complété par une colorisation terne et monochrome, et dénué de l’expressivité qui permet de s’attacher aux personnages et à leurs engagements. Cela dit, si vous avez survécu aux 1500 pages de Guerre et Paix, c’est une baladette…