L'histoire :
Igort déambule dans les rues de Tokyo à la recherche de ses souvenirs. Malgré la végétation arborant sa couleur automnale, le constat est amer. Il ne peut que rester impuissant face à la métamorphose de la capitale nippone. Les immeubles anciens sont rasés pour laisser place à des constructions plus contemporaines, à l’image d’une fleur qui se fane. Le temps qui passe est célébré au Japon par un rite appelé Hanami. Ce rite commence par la contemplation de la végétation en fleur et au bout de quelques jours débute la mélancolie des pétales tombant au sol. Hanami est l’acceptation de la fragilité, un hommage au sublime. De son côté, Igort est gêné par le changement perpétuel de la cité et n’accepte pas sa métamorphose. Le voyant tourmenté et déprimé, son ami photographe Giovanni qui résidait au Japon depuis des années, décide de l’emmener faire un voyage dans le temps. La nuit était encore bien présente dans le ciel de Tokyo quand les deux amis prirent le Hokuriku Shinkansen pour Toyama. Moins de deux heures plus tard et une voiture louée, les deux hommes se mirent en quête du lieu symbolique où le temps se serait arrêté.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans cet opus aux allures initiatiques pour le néophyte de la culture japonaise, Igort livre un nouveau tome de sa série Les Cahiers Japonais en rendant hommage à son ami Jirò Taniguchi. L’album se lit en prenant son temps, en décortiquant les quelques 180 pages de l’ouvrage, passant en revue des poèmes, des récits de voyage, des photos et autres pensées philosophiques, comme la place de l’eau. Pouvant être présente sous trois formes distincte, l’eau est vitale, translucide prenant la couleur et la forme de son contenant et surtout elle deviendra très certainement la cause des prochaines guerres. A travers son voyage, Igort nous fait passer par des villes et villages typiques japonais où les traditions sont élevées au rang d’art et côtoient le moderne, à l’image du Hokuriku Shinkansen. Les rites ne sont pas oubliés, comme l’Hanami qui consiste à accepter la fragilité et la contempler jusqu’à ce qu’elle disparaisse. L’analogie de la végétation avec la métamorphose des villes est aussi très intéressante. Le refus de l’évolution architecturale est récurant pour chaque génération. Par exemple, en France, même la fameuse Tour Eiffel a été largement décriée lors de sa construction en 1887 : elle est pourtant devenue le symbole de la France à travers le monde (avec le béret qui n’a rien de basque et la fameuse baguette de pain). Puis, l’auteur traverse la ville d’Hiroshima, et le récit devient glaçant. La blessure due à « Little Boy » est encore largement ouverte. La fameuse contradiction entre la mise entre parenthèses du passé libérant d’un poids les populations se tournant vers le futur, et le devoir de Mémoire, reste, pour le moment, insoluble.