L'histoire :
L’ero-guro nansensu est un mouvement artistique qui a pris naissance durant l’ère Edo de façon spontanée sans aucune base théorique commune. A l’origine, ce mouvement découle du folklore japonais mêlant récit de lutins, de monstres et de vengeances sanglantes, faisant partie du patrimoine populaire. A l’époque où la fantaisie érotique prenait de l’ampleur dans les quartiers aux lumières rouges, la quête du plaisir, y compris excentrique, est devenue un terrain d’exploration et de recherche. C’est l’essor du mouvement ero-guro. A ce courant, vient s’ajouter l’élément de l’étrange, parfois sanglant, développé par Yoshitoshi, le père des muzan-e. Dans les années 20, c’est le début de l’ère du modernisme avec de nombreux bouleversement sociétaux comme les Modan Garu (MoGa), c’est-à-dire les Modern Girls qui, sous l’influence des coutumes occidentales, abandonnent le style de vie traditionnel au même titre que les Flappers américaines, les Neue Frauen allemandes ou les Modeng Xiaojie chinoises. Les mouvements artistiques érotiques sont stoppés nets et les artistes emprisonnés, dès lors qu’un lien entre sexualité et criminalité fut établi par des sexologues, ainsi que par le psychiatre et neurologues allemand Richard Von Krafft-Ebing qui écrivit en 1923 : « il n’existe nul crime, grand ou petit, qui ne puisse être ramené à la libido cachée sous sa surface ».
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce nouvel opus des Cahiers japonais nous fait découvrir plusieurs mouvements artistiques autour de l’abandon des traditions vers le modernisme et pour certains vers le libéralisme de l’érotisme. Comme les autres tomes de la série, ce dernier opus est bien documenté et il faut réellement prendre du temps pour tout décortiquer, analyser et surtout comprendre. Le thème principal développé dans l’album est l’art de l’érotisme. Mêlant violence, monstres et corps sanguinolant à l’ère de l’Edo, ces mouvements artistiques sont considérés comme déviant à l’ère moderne. Cependant, certaines pratiques ont perduré comme le Shibari qui est l’art d’encorder un prisonnier avec du chanvre ou du bambou, attestant de l’honneur même du samouraï qui a pris le nom de kinbaku et qui est l’art du ligotage érotique. Cette pratique érotique est connue aujourd’hui sous le nom de bondage. A l’ère de l’Edo et même avant, les artistes de Shunga, qui sont des estampes exotiques japonaises exhibant des corps nus ou des sexes étaient courantes. Depuis, ces estampes, visibles dans les bibliothèques et musées sont estampillée d’une pastille noire occultants les sexes, montrant ainsi une réduction des libertés ou une certaine pudeur de notre société « moderne » par rapport au nu. L’auteur développe encore plusieurs mouvements artistiques jusqu’au Manga actuel. Ce troisième opus est très intéressant pour les lecteurs qui souhaitent en apprendre plus sur l’ensemble des mouvements artistiques japonais depuis la fin des années 1800 jusqu’à nos jours.