L'histoire :
Au cœur de l’hiver, Troubs se promène seul dans une forêt. Il n’est pas tout à fait seul, puisqu’un rouge-gorge le suit, fouillant dans ses pas, qui retournent l’humus et les feuilles mortes, afin de libérer des vermisseaux. Au loin, le cri rauque de deux corneilles. Toujours par deux, évoluent les corneilles. Il se pose au pied d’un arbre et contemple, et s’imprègne. Lorsque la pluie tombe, il gagne une zone où la jeunesse des arbres lui procure un meilleure protection. Puis à la lisière, il découvre une nuée de chardonnerets, qui cherchent de la nourriture en meute dans les hautes herbes détrempées. Ils évoluent serrés comme un essaim d’abeille, dégageant un désordre sonore régulier, qui est pour eux synonyme de tranquillité. Bien plus tard, Troubs est dans un appartement au ixième étage d’un immeuble de Beyrouth. Il discute avec une vieille tourterelle – huit ans, c’est vieux, pour une tourterelle ! Ensemble, ils constatent que l’urbanisme extrême de cette ville ne laisse vraiment pas beaucoup de place aux arbres. A l’exception d’un maigre eucalyptus coincé entre deux buildings, depuis cette fenêtre, on aperçoit des barres d’immeuble, du béton à perte de vue… Il y a logiquement fort peu d’oiseaux dans cette ville, qui se nourrissent majoritairement des déchets de la junk-food humaine.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cet album qui plagie le titre du thriller de Hitchcock se situe à l’opposé total du propos horrifique de ce dernier. A travers Les oiseaux, Troubs nous offre un moment de contemplation et de réflexion sur la destinée du peuple ornithologique au milieu d’une humanité qui lui rogne chaque jour un peu plus d’espace, de liberté. L’auteur se met en scène en train d’observer, le plus souvent immobile, tantôt le calme naturel d’une forêt périgourdine, tantôt la bétonisation extrême d’une ville comme Beyrouth. Ces deux points de vue contraires permettent d’en tirer une aigre conclusion sur les tragiques négligences humaines, qui finiront bien par nous être fatales. Parfois, à l’instar de Yakari, il discute avec un piaf, qui lui répond le plus naturellement du monde. Ce faisant, on apprend à reconnaître quelques espèces d’oiseaux communs : rouges-gorges, corneilles, chardonnerets, coucou, tourterelles, ainsi qu’un intrus en cage, un ara hyacinthe. On découvre aussi la ville de Beyrouth avant l’explosion du 4 août 2020 (la réalisation de cet album lui est antérieure). Surtout, on est fortement incité à faire nous aussi des moments de pause contemplative dans notre vie « tumul… tueuse ». Troubs nous interpelle : regardez autour de vous, regardez vraiment.