L'histoire :
Le repas des Lipowski est houleux. Camille, le fils aîné qui sort de l’adolescence, défend le droit de sa mère à aller à la manifestation du samedi. Son père, ouvrier de la sidérurgie à Longwy, est contre. Alors que la petite sœur attaque son riz au lait, le ton monte. Et lorsque Camille compare son père à un patron, il prend une gifle. Il sort et va boire une bière au bar avec son copain Israël. Ils se prennent de bec avec un groupe de fils d’italiens et repartent, tout heureux de cette bonne bagarre qui leur a permis de se défouler. Les garçons filent en voiture. Camille conduit. Ils écoutent la radio de la CGT, Lorraine Cœur d’Acier, et ses journalistes Marcel Trillat et Jacques Dupont. Camille, qui doit passer son bac de l’année, est engagé dans cette radio associative. Ismaël soupçonne la jolie voix d’une des animatrices d’être à l’origine de son engagement. Mais c’est surtout un esthète, et il pile en plein milieu de la rue pour assister à une coulée d’acier et prendre de belles photos. Il est doué…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Entre les mines de charbon du Nord et les aciéries de l’Est, la France a une longue histoire de luttes sociales. Ces métiers difficiles, ingrats ont progressivement disparu. Les plans de licenciement se sont succédés, au grand dam des ouvriers dont la vie entière tournait autour de leur travail. C’est le cas des ouvriers de Longwy à la fin des années 70. Des plans de « sauvetage » à la pelle et des ouvriers qui s’organisent, à la suite des syndicats, puissants alors. Quand la CFDT a créé sa radio, la CGT a voulu créer la sienne. Beaucoup plus ambitieuse, autour de deux journalistes, Marcel Trillat et Jacques Dupont, elle donne la parole à tous, syndicats, mais aussi gauchistes, patrons, etc. L’expérience tournera court, mais ce fut un formidable appel d’air. Une vague d’espoir, de solidarité, de créativité qui ne semble plus exister aujourd’hui. Le sujet est donc passionnant. Il est traité avec tact par Tristan Thil qui ne verse pas dans le don gratuit de leçon aux générations actuelles. Le ton n’est pas docte, il est volontiers badin même et donne au récit une légèreté poétique, la poésie des révolutions sociales. Le dessin de Bailly, tout en rondeurs, et son encrage donnent aussi une belle mélancolie. Le séquençage est particulièrement efficace et agréable à suivre. Les deux compères reçoivent en postface l’imprimatur du grand Baru, qui s’y connait en luttes, et paraît-il en bandessinée aussi. Mais c’est probablement une autre histoire.