L'histoire :
Lucille, 16 ans, est une adolescente mal dans sa peau. Gamine plutôt rondouillarde, elle a le temps d’un après-midi à la plage, pris conscience de sa différence : jamais un garçon ne s’intéressera à elle. Elle s’invente alors une poupée mannequin prénommée Linda. Tellement mince, tellement jolie. Et puis un jour, Lucille remise son jouet au grenier parce qu’elle l’est devenue, Linda. Lucille est désormais anorexique. Les séjours à l’hôpital n’ont rien solutionné : elle refuse de se remplir, elle veut être légère et s’envoler. Alitée, elle vit seule dans une maison isolée en bordure de forêt avec une maman veuve qui ne la comprend pas. Heureusement un matin, Vladimir vient lui livrer ses médicaments. Lui aussi souffre. Vladimir s’appelait Arthur jusqu’il y a peu. Jusqu’au suicide de son père, marin alcoolique et violent au chômage, dont il hérita le prénom et peut-être plus... Lucille et Vladimir, ensemble, ils sourient. Lors de sa seconde visite, le jeune homme propose à la jeune fille de fuir les côtes du Nord pour Paris puis l’Italie…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
« Romantique » est peut-être le premier adjectif qui vient à l’esprit en feuilletant les quelques cinq cents pages qui compose ce roman graphique pour le moins atypique. A première vue, ça ne paye pas de mine. Le dessin paraît enfantin, presque bâclé, les planches affublées de deux à quatre « vignettes » (en fait, imprécises) au grand maximum, alignées les unes à la suite des autres, au point qu’on se demande si une trame construite habille cet ovni papier noir et blanc. Est-ce bien une bande dessinée ? La question au finale importe peu ; les éditions Futuropolis ne se sont pas trompées et font une nouvelle fois mouche. Pour travailler, Ludovic Debeurme a pris son temps, « juste le temps pour être juste » souligne-t-il. En choisissant une narration délibérément déliée, il évite les clichés, s’engage, en deux mots : efficacité, intimité. Les émissions télés et publications sur l’anorexie, le suicide, l’enfance maltraitée, l’incompréhension entre parents et adolescents (etc…) ne manquent pas et, cependant, elles fascinent. Ces sujets confinent à l’indicible, relèvent encore du tabou. Ludovic Debeurme aurait pu en rajouter, en faire des tonnes (!!!) pour susciter l’émotion... Néanmoins, pourquoi surcharger une œuvre quand un trait épuré, une parole « sensée », communique l’essentiel ? Il y aurait tant à dire, à disserter sur l’âpreté de l’existence, qu’il vaut mieux parfois se taire et laisser parler son cœur. Celui de Lucille bât au tempo de Vladimir. Celui de Vladimir accompagne Lucille. L’un et l’autre butinent et aspirent à planer vers des courants plus chauds. Ludovic Debeurme a choisi une fiction plutôt qu’une réalité. Une nouvelle fois, peu importe, tant la véracité de son propos nous touche, nous bouleverse… Peut-être un « one-shot » aurait-il été plus judicieux, plus fort encore ? La fin n’est pas écrite. Sombre ou heureuse, le voyage continue…