L'histoire :
Pour avoir déserté et préféré l’odeur de la poudre révolutionnaire russe à celle des tranchées, Mattéo a écopé de 20 ans de villégiature à Cayenne, option travaux forcés… 18 ans plus tard, le voilà le cul dans une belle voiture en compagnie d’Amélie, son amie infirmière, d’Augustin – intello radical-socialiste compagnon d’Amélie – et de son inséparable copain Paulin. Tous quatre sont impatients de rejoindre Collioure avec un projet bien précis : ne rien faire pendant 15 jours ! Car par « la faute » de Léon Blum et de son gouvernement, ce mois d’août 1936 signe le temps des premiers congés payés. L’occasion est ainsi donnée à Mattéo de revoir sa mère et peut-être même Juliette qu’il n’a jamais cessé d’aimer. Le temps est superbe, la route dégagée et Mattéo et Paulin en profitent pour se chamailler. Paulin, qui est un fervent militant communiste, reproche à son copain de préférer le Tour de France aux remous qui agitent la République Espagnole. Pour Mattéo, Franco est encore loin « au général » et il n’y pas de quoi s’inquiéter. L’heure est bientôt au pique-nique et la joyeuse bande de copains en profite pour poser ses fesses dans l’herbe, sauf Augustin qui préfère reposer sa peau délicate sur un petit pliant. Bref, on prend le temps de vivre. Tant et si bien que l’arrivée prévue en fin d’après-midi se fait largement à la nuit tombée. De quoi faire grogner la mère de Mattéo et lui prouver ainsi qu’elle est en pleine forme. Le lendemain, l’achat de cartes postales et de timbres est l’occasion de faire un tour en ville en passant par la plage. Une ballade qui offre à Mattéo le plaisir de rencontrer un jeune arriviste particulièrement con. Et la surprise de découvrir que Juliette est employée à la poste...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Une lumière incroyable, mélange d’ocres méditerranéens et de bleutés mêlés de mer et de ciel dégagé… Des nuits enrobées par des marines aussi envoûtants qu’apaisants… Des robes fleuries chahutées par la brise estivale. Des seins aux courbes pudiques et appétissantes… Des paysages travaillés en carte postale. Une douceur sans cesse renouvelée… Une écriture riche et ciselée… La patte Gibrat se fait une nouvelle fois merveilleuse, attentive, amoureuse et impeccablement servie par un jeu d’aquarelles brillant. De quoi nous faire oublier trois années de douloureuse absence et servir d’écrin à ce nouvel épisode qui met en scène une des périodes les plus optimistes du XXéme siècle en France : le fameux été 36, le Front Populaire et ses premiers congés payés. Nous avions ainsi quitté Mattéo les poings liés, embarqué pour 20 ans de travaux forcés à Cayenne. Nous le retrouvons 18 ans plus tard les fesses dans une voiture, prêt à revoir Collioure pour 15 jours de vacances en bonne compagnie. C’est d’ailleurs un brin perturbant : Jean-Pierre Gibrat ne prend pas la peine (ou alors dans une demi-bulle de dialogue) d’évoquer ce trou de 18 ans. D’autant plus perturbant que « graphiquement », les personnages n’ont pas pris une ride. Certes on aura compris que l’intention de la saga est de focaliser sur des périodes charnières de la destinée du héros, mais force est de reconnaître que la pilule est un brin difficile à avaler. Sans compter que le récit s’offre lui aussi des vacances. Et qu’après les tranchées ou la Révolution russe, il pantoufle une grosse moitié pour se gorger de retrouvailles, de balades sur la plage, de pique-niques, de parties de pétanque ou d’accordéon. Bien sûr, la veine sociale, sentimentale, les surprises familiales ou l’entrelacs des désillusions et de la fibre rebelle de Mattéo sont parfaitement titillées. Idem pour le contexte politique et ses prolongements dans les relations entre les différents protagonistes. Mais hormis une petite surprise (?) et 10 dernières planches nettement plus nerveuses, tisonnant une nouvelle page à tourner sur les terres de Franco, l’ensemble s’offre une franche respiration. Pourquoi pas ? Respirer, ça fait aussi du bien !