L'histoire :
Un homme peint la nuit. Il entame un dialogue avec le modèle de son œuvre, qui aura des dimensions épiques. On parle de plusieurs mètres de haut et de large. « Pauvre Golem... Tu n'es vraiment qu'un loser. Hahaha ! Quand tu n'étais qu'une masse informe, mes yeux te voyaient déjà... Livre des psaumes ! 139.16 ! Mes mains t'ont formé... Elles t'ont créé. Elles t'ont fait tout entier ! Et je te détruirai ! Livre de Job ! 10.18. Hahaha ! » L’artiste décide d'interrompre son travail avant que les premiers rayons de soleil n'apparaissent. Il traverse l'immensité de son luxueux appartement et appelle Yris, son assistance digitale. Sur un écran virtuel panoramique, il actionne la fonction et demande un compte-rendu détaillé des publications, commentaires et bavardages qui circulent sur le Workin'glass au sujet de sa prochaine exposition. Ensuite, Yris pourra se mettre en veille car il ira se coucher »..
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec Ne reste que l'aube, Thierry Murat traite du mythe vampirique sous un angle des plus originaux, puisque le monstre mythique épouse dans son récit la forme d'un créateur. Tout commence avec un portrait décrivant le quotidien nocturne d'un artiste peintre au sommet de la reconnaissance. Dans un monde où Facebook est l'ancêtre d'un réseau social devenu unique et hégémonique, le Workin'glass, Jorgen Nyberg vit la nuit. Sa seule compagnie est une assistance par intelligence artificielle, Yris, programme qui lui sert à compiler de façon narcissique l'ensemble des informations médiatisées touchant à sa personne et qui a le bon goût de gérer son agenda, façon secrétaire particulière. Et voici que le peintre, que certaines rumeurs ramènent à une légende urbaine selon laquelle il vit depuis des siècles, accepte un rendez-vous avec un jeune homme poussé par la curiosité et la soif de connaissance. À la façon des meilleurs conteurs, Murât déconstruit ainsi le mythe du vampire pour le rebâtir en le chargeant de symboles universels et modernes. En décrivant en toile de fond un monde où l'homme et la machine sont interconnectés, au point où il ne reste presque plus rien d'humain dans les réflexes sociaux conditionnés par le réseau, c'est le vampire qui semble mû par les valeurs de l'humanité. Paradoxalement, c'est lui qui est en quête de sublime, de transmission par la rencontre. C'est le vampire qui a la capacité à critiquer le sort des humains et la boucle est bouclée quand il se met à fuir le reste du monde, prisonnier de son immortelle malédiction. Alors que l'intégralité de l'album est composé de gris, c'est avec les mots que Murat introduit la couleur, arrivant à suggérer le rouge du sang, celui de la vie, par le discours de son personnage artiste peintre. Ne reste que l'aube est donc un album fort et surprenant qui vous propose un voyage dans le temps, un voyage à travers tous les temps...
