L'histoire :
Aussi loin qu’il s’en souvienne, Jean-Claude Denis a toujours eu un sens de l’odorat particulièrement sensible. Une fille croisée dans la rue, porteuse d’un parfum particulier, et il se remémore sa première petite copine, à laquelle il n’avait plus songé depuis des années. Il se souvient même qu’une nuit, sur une route forestière, il avait du pousser le moteur de sa voiture pendant plus de 5 minutes pour retrouver le propriétaire d’une odeur de cigarettes qui le précédait très loin devant. Ainsi, une bête odeur de gaz chez lui dont il n’arrive pas à retrouver l’origine l’incite à appeler les pompiers. A peine troublés par une odeur qu’il trouve pestilentielle, les professionnels de la chose viennent en nombre, auscultent minutieusement son appartement et repartent bredouille. Frustré mais toujours intimement importuné par l’odeur, l’auteur finira par passer sa journée à la campagne pour ne pas devenir fou. Ce n’est que beaucoup plus tard, alors qu’il considèrera avec un certain lyrisme les milles odeurs de sa ville de Paris, du métro, des gaz d’échappement, de sa fumée de cigarette, qu’il apprendra en lisant un article de journal, l’origine de ces anciennes effluves gazeuses…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ça parait tout con comme ça, mais faire une BD sur quelque chose d’aussi impalpable, commun et trivial que… le sens de l’odorat, sur 143 planches, sans rien raconter de monstrueusement intriguant, et pourtant sans jamais lasser son lectorat un seul instant, ça n’est pas donné à n’importe qui ! Jean-Claude Denis l’a senti, Jean-Claude Denis l’a fait. Car « Jean-Claude Denis est un conteur nez ». Persuadé d’être pourvu d’un organe olfactif hors du commun et redoutable, Denis a décidé cette fois-ci de nous parler en long et en large de ce sens essentiel pour sa vie. Il se met alors en scène, le plus souvent avec sa compagne, nous parle des souvenirs que propulsent telles odeurs en mémoire, de la gène ou de l’inspiration qu’elles lui procurent, des milles anecdotes liées aux volutes appréhendées au cours de sa vie. Il nous fait ainsi pénétrer son intimité, avec pudeur et une émotion simple, nous parlant de ces petits moments impalpables et pourtant si prégnants qui font le sel de son existence. Pas facile non plus de représenter visuellement l’invisible sans sombrer dans le grand guignolesque. Denis s’en affranchit pourtant sans coup-férir, à l’aide d’un dessin simple, tantôt de biais astucieux (la taille des choses proportionnelle à leur odeur) et très lisible, à peine rehaussé d’une légère bichromie couleurs coquille d’œuf et bleue. Tout cela relève de la gageure graphico-narrative et pourtant le résultat manque légèrement – et par définition – de consistance.
