L'histoire :
Enceinte jusqu’aux dents, Evelyne descend l’escalier de son immeuble, seule et dans le noir. Elle est en train de perdre les eaux. Un taxi jusqu’à la maternité, une élève sage-femme pas très douée, une obstétricienne austère à souhait… et Chloé nait, une adorable petite fille blonde. A peu près au même moment, dans son village du Maghreb, Radia met au monde une petite fille, Leila. Aussitôt, un ami file en mobylette jusqu’au poste téléphonique le plus proche, pour prévenir le papa qui travaille en France. Enfin, parallèlement, la petite Agnès est déjà délaissée à la maternité, par une mère extrêmement peu maternelle. A peine rentrée chez elle, cette femme urbaine pressée la confie, sans la moindre marque d’amour, à une nourrice, Luisa. Cinq ans plus tard, Leila et sa famille s’installent en France, après bien des problèmes à la douane (les arabes, ça passe forcément de la drogue). A cet âge, Chloé est déjà passionnée de danse classique. Les deux fillettes sympathisent et deviennent inséparables à l’école. C’est dans ce contexte qu’elles croisent pour la première fois Agnès : en lui faisant des grimaces rigolotes. Agnès, qui souffre énormément de l’abandon parental, se sent aussitôt être quelqu’un…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce premier volume retrace de manière parallèle puis commune, le destin de trois fillettes issues de milieux sociaux différents. La travailleuse Leila souffre d’origines ethniques dénigrées par la société française. Eduquée par une mère seule et d’origine modeste, Chloé vit intensément une passion naissante pour la danse. Enfin, malgré son milieu aisé, Agnès souffre intérieurement d’un sévère abandon parental. Les trois fillettes sont néanmoins toutes trois adorables et illuminent véritablement ce récit simple (mais non simpliste !), humain et authentique. Leur croissance et leur éducation nous sont peu à peu livrées, de manière linéaire, à travers le prisme du regard infantile. En effet, les discussions ou les activités des adultes importent peu, si elles ne sont pas à même de les partager. Cela dure jusqu’à leur neuvième année, âge auquel elles sont chacune confrontées à un tournant majeur dans leur vie. Pour son premier scénario, l’enseignante Sophie Michel a souhaité faire un récit sincère de Filles et de Femmes, avec un grand F, afin d’approcher les différents états de la féminité (rien à voir avec le féminisme). On n’embrasse pas encore l’entier cheminement de sa démarche, mais ce qui est sûre, c’est que le dessin d’Emmanuel Lepage la transcende. Aux crayons et aux pinceaux, le dessinateur fait un réel hommage à cet âge noble et touchant, pourtant à des lieux du lyrisme de Muchacho ou de La terre sans mal. Justesse des mouvements, communication des sourires… On s’attache incroyablement à ces 3 fillettes, qu’on sera ravis de retrouver, un peu plus grandes, dans la deuxième partie du diptyque.