L'histoire :
1914. Le capitaine Emerson et son équipage de 27 hommes traversent l’océan Antarctique à bord d’un brise-glace. Malgré la guerre mondiale qui a éclaté, il a eu l’autorisation de lancer une expédition pour être le premier à traverser le continent à pied, en passant par le pôle magnétique. Ses hommes sont tous expérimentés, à l’exception de celui que le cuistot Snark – qui parle un salmigondis de plusieurs langues – appelle El kid : Arkadi. Celui-ci est le fils d’Emerson, il est russe et britannique, et il est âgé d’une grosse vingtaine d’années. Dandy, dépressif, désillusionné sur la condition humaine, il a déjà pas mal bourlingué au sein de ses cercles d’amis issus de l’intelligentsia et il est féru d’expériences mystiques. Il s’attend à une issue tragique de l’expédition. Une fois que le navire a pu accoster le long de la banquise, dans la mer de Wedell, les marins qui n’ont jamais foulé le continent bénéficient d’un petit bizutage : une immersion de 10 secondes dans un trou d’eau glacée. Quelques jours plus tard, une vague de froid intense s’abat sur leur campement. Leur bateau se retrouve emprisonné par la glace. Quelques jours plus tard, les poussées de glace viennent à bout de la coque du bateau. Les hommes doivent décharger en urgence tout ce qui est essentiel pour leur survie. L’expédition est un échec. Seule la survie des hommes compte. Il leur faut regagner la côte, et tenter de rejoindre la terre la plus proche…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette histoire scénarisée par Lo Hui Phang est très largement inspirée de la tumultueuse expédition d’Ernest Shackleton à bord de l’Endurance (1914-1917), dans sa traversée pédestre ratée du continent Antarctique. On retrouve le même échec du navire emprisonné par les glaces, le même bivouac sur la banquise, le même périple désespéré jusqu’à l’île de l’éléphant (ce qui a sans doute inspiré le titre de cet album), puis la même expédition de secours jusqu’à la Géorgie du Sud. Les noms sont certes modifiés (Shackleton s’appelle ici Emerson), mais la trame générale et l’aventure humaine sont vraiment décalquées sur ce périple historique. En prime, une dimension ésotérique transparait via le jeune Arkadi, qui se nourrit de ses expériences pour apporter ses intuitions, parfois salvatrices. Ainsi la figure de l’éléphant est sans cesse convoquée, à travers des visions, des tatouages, l’assimilation avec les pachydermes marins, mais aussi le surnom du capitaine. Une tête d’éléphant, c’est avant tout le nom et la forme de l’île où une poignée d’hommes passera plusieurs mois. Chaque chapitre des 250 pages de cette aventure aussi éprouvante que glaciale s’ouvre aussi par un point technique sur une notion scientifique concernant les courants ou la magnétosphère : la circulation thermohaline, les aurores boréales, le pôle magnétique… Benjamin Bachelier dessine le tout en couleurs directes et à la peinture, à l’aide d’un style très « jeté », parfois à la limite de l’art contemporain. Entre les visions, les flashforwards, le mysticisme d’ambiance, la météo crépusculaire et le visuel, on ne comprend pas toujours tout… et on s’interroge sur les raisons de cette « variation » autour d’un périple authentique.
