L'histoire :
Javi, « le Maigrichon », adolescent ardent de 17 ans, réside avec sa mère malade dans une maison convoitée par des promoteurs immobiliers, et déserte les cours pour offrir ses services musclés à des lycéens en quête de vengeance ou d’un ipod volé. Jorge, aux sourcils tombants et cernes marqués, se présente un jour à l’hôtel-pension Les Chevaux. N’ayant pour toute richesse qu’une valise et une vieille voiture, il trouve rapidement une place d’ouvrier dans une scierie et se rapproche peu à peu de sa logeuse, Anna, qui vit seule avec son père impotent. Mais l’homme taciturne préfère à l’engagement social et affectif, la confection de chevaux de bois, bien loin de combler les désirs de l’hôtelière. Lorsqu’un soir, sa voiture se retrouve entièrement graffée du mot « lâche », l’équilibre fragile de sa situation vacille, et les fantômes du passé reviennent le hanter.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En pleine résurgence d’une bande dessinée espagnole que les années 90 avaient vue disparaître, il n’est pas anodin que la Maison des Auteurs d’Angoulême ait proposé au jeune Nadar une résidence d’une année. Papier froissé en est le fruit, et si ce premier album est loin de la flamboyance du Moi, Assassin d’Altarriba et Keko, primé cette année par l’ACBD, on peut néanmoins en souligner la force scénaristique. Ce long récit de 400 pages mène avec talent une narration croisée de temporalités et de protagonistes aux histoires éclatées. Tout d’abord mosaïque de personnages rivés à leur solitude, au creux de leurs pertes, leurs silences, leurs frustrations – des papiers froissés – il les lie peu à peu jusqu'à ce que l’un ait un sens pour l’autre. De la souffrance indicible de Javi, au mutisme de Jorge, le mystère est épais mais le puzzle se constitue progressivement : les indices égrenés au fil de la lecture nous emmènent au cœur de leur passé, comblent les failles chronologiques, et nous guident vers l’unité du drame vécu par chacun. La mise en scène, le rythme et le graphisme très fluides, presque cinématographiques, permettent de dévorer sans entrave cette intrigue prenante.
