L'histoire :
De nuit, sur une autoroute, Angus et Pauline taillent la route. Ils fuient un récent « évènement » dont ils n’osent parler. Ils sont jeunes, naïfs, ils vont se faire oublier dans un coin pénard, vivre d’air pur et d’eau fraîche, et surtout économiser, en prévision d’aller s’établir au Canada. La même vieille cassette d’AC/DC (Highway to hell !) tourne en boucle dans le poste, mais ne suffit pas à tenir Angus éveillé. Après une embardée sans conséquence contre la barrière de sécurité, le couple décide de se reposer un peu dans une station service. Ils font le plein, achètent des trucs à grignoter et se posent dans l’herbe, dans l’obscurité. Sur le parking des camionneurs, une pute fait des passes bon marché. C’est glauque. De son vrai nom Jean-Christophe (il se fait appeler Angus à cause du guitariste d’AC/DC), Angus repère un groupe de Harley Davidson garées et va les mâter de plus près, en fantasmant. Dans l’obscurité, un motard avec un blouson « Loup garou » pisse contre un arbre et passe devant eux en les méprisant. Plus tard, alors qu’ils sont de retour sur la route, Pauline distingue avec effroi le visage du motard en le doublant : il s’agit effectivement d’un loup-garou. Ils s’installent dans une petite ville sur le littoral vendéen. Hors saison, c’est la mort. Pauline trouve un boulot mal payé à Gastromer, dans la confection de conserves de produits de la mer. Angus, lui, traine en ville toute la journée…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A l’origine de ce one-shot, il y a la volonté de deux auteurs de faire un road-movie à la française, avec la démarche narrative d’une double référence antinomique : Eric Rohmer et Russ Meyer ! Un mélange de genre original et improbable, du « Russ Rohmer » en quelques sortes. Étrangement, à travers la fuite en avant glauque et transgressive de ce couple d’adulescents (sic) immatures, ils trouvent l’harmonie parfaite entre les deux atmosphères. Graphiquement, Stéphane Oiry a judicieusement recours à un dessin semi-réaliste, sur des encrages appuyés (la totalité du récit se déroule dans le noir, ou par une météo exécrable), dans une veine de série B idoine. Ses Bonny and Clyde de superette s’engagent dans un bref road-movie, très premier degré, sans véritable autre relief que celui de côtoyer de plus ou moins près un groupe de bikers, des « loup-garou ». Sur ce point, la chronique sociale ne s’aventure jamais vraiment sur le terrain du fantastique : de loups-garous, il n’en existe que dans l’esprit de Pauline. Plus elle s’approche d’un motard à la virilité exacerbée, plus elle éprouve une sensation d’affolement, mélange d’angoisse et d’excitation, résultant d’un traumatisme juvénile passé, assez peu éloigné finalement du fantasme phallique refoulé. Il faut s’appeler Appollo pour parvenir à saisir aussi précisément ce sentiment féminin très particulier ! Evidement, l’imagerie du loup et toutes les expressions qu’elle véhicule fonctionnent étrangement bien dans cette relecture moderne du Petit chaperon rouge. Notre inconscient collectif a en effet assimilée cet animal comme un danger sexuel, une volonté terriblement excitante de transgresser l’interdit (voir le loup…). A déguster un soir de pleine lune…