L'histoire :
Yvonne, Martine, Jeanine, Arlette et Hélène sont cinq anciennes ouvrières des usines Ericsson, Thomson, Alcatel puis Jabil de Brest. Quatre noms pour une même entité, dans laquelle elles ont passé leur carrière professionnelle. Aujourd'hui retraitées, elles évoquent leurs souvenirs autour de la pause café qui suit leur promenade, et l'idée de raconter leur expérience surgit lorsqu'elles partagent une énième anecdote marquante. Yvonne propose alors de reprendre contact avec Lionel, qui avait organisé une pièce de théâtre jouée par des chômeurs au CE de l'usine. Très vite, un rendez-vous est pris, et la rencontre provoque un mélange d'enthousiasme et de crainte. L'envie de partager une expérience de militantes le dispute à la crainte de ne pas être capables de se mettre en avant sur une scène. Face à ces difficultés, Lionel va proposer une approche originale, une méthode de travail qui va permettre aux anciennes ouvrières de se libérer progressivement. Elles entrent en contact avec de jeunes femmes intéressées par le projet, et qui vont devenir leur alter ego sur scène. Elles vont aider leurs aînées à exprimer leur histoire, servir de courroie de transmissions pour des tranches de vie, mais aussi des messages de résistance. Car la succession de plans sociaux et les luttes sociales qui ont essaimé plus de trente ans d'existence de l'usine les ont marquées pour la vie.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette histoire à la fois banale et extrêmement originale nous plonge dans l'univers très particulier d'un groupe de femmes retraitées qui ont connu une carrière professionnelle émaillée de luttes syndicales, et retrouvent à travers une pièce de théâtre une manière de redonner de l'éclat à leur action militante passée. Le long parcours qui mène Yvonne, Jeanine, Arlette et les autres à mettre les pieds sur les planches est l'occasion de plonger dans leur ressenti profond, intime et souvent nostalgique. Les souvenirs du travail en usine rappellent aussi bien l'opposition de classe qu'elles ont ressentie face à leurs patrons, que la joie authentique de travailler en équipe, de partager des moments légers ou difficiles. L'auteur choisit de faire peser sur ce récit très contemporain une chape politico-sociale très forte, et ne multiplie les occasions de dépeindre les patrons de l'usine en capitalistes à gros cigare et nez proéminent, manipulateurs d'ouvriers réduits au statut de pions. Une vision radicale et engagée qui donne à ce livre un ton très militant, au détriment de la sensibilité de ses personnages. A force, d'une certaine manière, de noyer la parole de ces femmes sous un discours politique, Sébastien Vassant manque l'occasion de donner, comme l'aurait fait un Ken Loach au cinéma, une véritable âme à ces héroïnes de tous les jours. Sous des traits rapides et des dialogues très appuyés, le livre parait très long. Et les anciennes ouvrières aux souvenirs si vifs ne semblent exister que par leur affrontement passé. Et le futur souvenir d'une belle expérience artistique.