L'histoire :
Arthur, un écrivain d’âge mûr, s’est remis à écrire. Son épouse, son « petit oiseau », s’est éteint d’une longue et cruelle maladie il y a très peu de temps. Elle hante encore chaque seconde de sa vie, son absence l’obsède. Il est attablé à son bureau lorsqu’il reçoit la visite de son ami, son frère. Ed peste car il est trempé par la pluie. Ils évoquent le deuil, partagent un verre de vin et abordent le concept du nouveau roman en devenir d’Arthur, d’ores et déjà baptisé Apophonia. Ed trouve le propos sémantique quelque peu hermétique : il s’agit de la perception soudaine et spontanée des relations et du sens de phénomènes sans rapport entre eux. La mort de la compagne d’Arthur ne l’a pas laissé indemne. Il a désormais une lecture du monde mycélienne, c’est-à-dire qu’il perçoit les évènements comme un réseau complexe d’hyphes filiformes qui s’étendent et créent la condition humaine, à la manière des champignons. Dans son roman, il met en scène un personnage encapuchonné et énigmatique appelé Sokol. Ce dernier évolue à travers une nature post-apocalyptique et il se sert d’un grand rapace apprivoisé comme d’un ami qui lui fait part de ses excursions en reconnaissance…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dave McKean est assurément un monstre de l’art séquentiel, par son dessin cérébral, extraordinairement abouti, son style graphique sans cesse réinventé et chiadé, à partir d’un large panel de techniques diverses, ses ambiances prégnantes et profondes, sa science des cadrages et du découpage… Le monde des comics lui doit de splendides couvertures, pour lesquelles il a reçu moult distinctions. Mais s’il y a bien pourtant une compétence qu’il n’a pas et qui manque cruellement à ce nouvel opus (magnifique !), c’est sa capacité à composer un scénario à la portée du grand-public. Ce Raptor brille en effet par son hermétisme. Il interroge sur l’introspection d’un écrivain en deuil ; il fait évoluer un personnage énigmatique à travers un monde post-apocalyptique brumeux, dantesque, empli de monstres ; il fait dialoguer des artistes aux visages torturés, taillés à la serpe – quasi dadaistes ! – sur le sens de la vie, dans une bichromie semi-réaliste ocre et exquise… sans qu’on y comprenne grand-chose. Deux unités narratives se passent le relai et se répondent : celui au présent de l’écrivain Arthur et celui de Sokol dans ce monde tourmenté, décharné et ésotérique. Tantôt des séquences oniriques à la peinture confinent à l’art contemporain et ajoutent encore à l’hermétisme de l’œuvre. Si quelqu’un a une analyse de fond plus pertinente que la nôtre, qu’il n’hésite pas à la proposer…