L'histoire :
Deux charriots de colons venus d’Europe de l’Est se sont retrouvés isolés du reste de la caravane. « Heureusement », ils sont conduits à travers le Nouveau Monde par Bronson, guide et trappeur. Arrivés à la lisière d’une forêt, Bronson décide de faire halte pour question de sécurité. Les colons sont méfiants, ce Bronson ne leur inspire pas confiance. Ils ont raison : des complices sortent du bois en tenant un des gamins parti pisser en otage. Les bandits menacent les colons de leurs armes à feu. Ils veulent les délester de leur or. Car des juifs, ça a forcément de l’or. Les colons tentent d’expliquer qu’ils sont protestants, pas juifs… Une fusillade éclate soudain. C’est un massacre bilatéral. Colons et bandits, tous les adultes y passent. Seuls deux ados survivent, Kees et Daatje. Le plus gros des bandits agonise sur le rocking chair que la mère de famille enceinte avait descendu du chariot. Dans la foulée, Kees entreprend de creuser des tombes pour leurs proches. Mais pas les bandits : qu’ils pourrissent à l’air libre. Le lendemain matin, les deux ados regroupent des affaires dans l’un des deux chariots, attelé à un couple de bœufs. Ils abandonnent notamment le rocking chair, non essentiel à leur survie. Puis ils prennent la direction de l’Ouest, vers laquelle ils espèrent retrouver la caravane. Mais au sortir de la forêt, ils se retrouvent nez à nez avec le vide d’un ravin. Ils parviennent à arrêter les bœufs in extremis…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C’est à peu près la première fois que le dessinateur Kokor se confronte au registre du western, ici sur un scénario de Jean-Philippe Peyraud. Mais abandonnez d’emblée tous vos clichés sur ce genre très codifié. Dans ce western-ci, le personnage central est… un rocking chair. A l’instar du pneu héros de Rubber (film de Quentin Dupieux), nous suivons sans excès de spectacle la destinée d’un fauteuil à bascule sur un quart de siècle environ, un fauteuil dont le dossier est finement sculpté, représentant une datcha traditionnelle slave dans un environnement bucolique. Ça commence par une pause dans le périple migratoire de colons venus des pays de l’Est. Une pause qui tourne au tragique absolu et à l’abandon du rocking chair dans la nature. Le fauteuil passe alors entre les mains de différents protagonistes, sans aucune trame prévisible : des ados, des indiens, un bandit, une pute, un commerçant, des ours… avant de revenir, sous forme de boucle, entre les mains de son propriétaire premier. Après tout, revenir in fine et in petto à son point de départ, telle est la destinée d’un fauteuil à bascule ! Le genre western est néanmoins bien présent à travers les mœurs sans foi ni loi de la plupart des protagonistes. Les rares cowboys croisés sont vraiment des ordures dégueulasses. Le dessin lyrique et stylisé de Kokor se décline sur un lavis la plupart du temps monochrome, qui sent bon la boue et la poussière.
