L'histoire :
Après un premier séjour de 2 semaines en 2008, Troubs retourne un an plus tard au Turkménistan dans le cadre du projet Prévert, qui promeut la lecture à travers le monde. Difficile entreprise dans un pays mono-partite, duquel les yeux bienveillants de l’ONU se détournent sans peine. Une fois arrivé à Achgabat, il prend un taxi pour Tolkoutcha, un grand marché repoussé, au fil du temps, en bordure de la ville. On peut tout y trouver, c’est un lieu privilégié pour échanger tranquillement avec la population. Il y retrouve une amie en poste depuis quelques mois, qui l’informe sur la situation politique du pays. En un mot, opaque. Tenant à l’écart toutes velléités humanitaires, le Turkménistan traite ses affaires internationales de manière particulièrement discrète… comme avec Bouygues par exemple. Le centre-ville d’Achgabat, couvert de marbre blanc, est en constante reconstruction depuis que le pays s’est affranchi de l’occupation russe. Niazof au pouvoir à cette période a fortement influencé l’architecture de la ville de ses goût personnels…Quelque peu pompeuse, elle est devenue incompréhensible pour le peuple. Le tripode, à mi-chemin de la tour Eiffel et de la fusée de tintin, surmonté d’une statue de 12m à son effigie et en or, est à la mesure de sa mégalomanie désordonnée.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Indubitablement dû à de bonnes intentions, Sables noirs est un reportage graphique et contemplatif sur un pays oublié de la scène internationale. Oublié certes… mais pas par tout le monde, parce que Bouygues, par exemple, fait des affaires florissantes depuis des années dans ce territoire coincé entre le Kazakhstan, l’Uzbekistan, l’Afghanistan, l’Iran et la mer Caspienne. Ce récit d’un projet inabouti est une sorte de constat d’échec incarné, bien renseigné, mais aussi un peu vide. Vide de l’inertie d’un pays dont le peuple tourne en rond, où seul l’Art non-engagé semble être le symbole de la liberté. Liberté entravée par un immobilisme social issu de l’opacité politique. Le peuple semble résigné sur son sort et laisse aux politiques la latitude nécessaire à l’exercice confortable de leur pouvoir. Tout est surveillé, contrôlé, jusqu’à l’accueil des touristes, qui ne sont pas autorisés à séjourner chez l’habitant. C’est une manière imparable de garder le contrôle et de brider l’envol vers de nouveaux horizons. Souvent, Troubs n’obtient pas de réponses à ses questions. Ses dessins schématisent le pays et son peuple par des scènes livrées au petit bonheur. Comme on dit au Turkménistan, ce sont les silences qu’il faut entendre. Dans ce pays qui n’a d’identité que folklorique et artisanale, où les livres qui circulent sont le Coran et un ouvrage du précédent président, il flotte une atmosphère de nation à l’abandon… triste en 2015, mais finalement assez courant pour les enclaves de ce type.
