L'histoire :
Quand elle est enfant, à Budapest, Miriam Katin reçoit l’éducation religieuse tirée de la Torah de sa maman Esther. « Au commencement, Dieu créa les ténèbres, puis la lumière… » Mais à partir de 1944, le joug nazi remplace pour longtemps la lumière par les ténèbres. Le papa de Miriam part à la guerre et la fillette en fait encore l’amère expérience lorsqu’un jour sa mère rentre sans Rexy, son petit chien, après avoir été sommée par le régime de le livrer. Puis le concierge leur adresse un ordre d’expulsion, à appliquer dans la semaine : tous les juifs doivent partir, pour un rendez-vous dans le 7ème arrondissement. Esther a entendu les rumeurs de déportation et elle préfère s’en remettre à « un gars du marché noir ». Celui-ci lui procure des faux papiers, un billet de train et l’adresse de son oncle dans les vignobles. Esther brûle donc tout ce qui peut trahir son ancienne vie et fuit avec Miriam. Grace à ses papiers, elle passe au travers des mailles de la persécution et atterrit chez l’oncle, en province. Celui-ci n’est guère enclin à l’accueillir, mais sa femme est plus charitable. Miriam et sa maman passent ainsi quelques mois de travail tranquille à la ferme. Mais un jour, un commandant nazi de passage suspecte son origine juive et décide d’en tirer quelques avantages en nature…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Seules contre toutes n’est pas le premier récit mettant en scène la fuite des juifs face au régime nazi. Et pour cause, si les victimes se comptèrent en millions, les survivants qui sont passés entre les mailles du filet sont plusieurs dizaines de milliers. Il demeure toutefois extrêmement poignant, ne serait-ce que parce qu’il est authentique. En effet, dans ce petit livre carré de plus de 120 pages, Miriam Katin raconte ce qu’elle a vécu en 1944 étant enfant, aux côtés de sa courageuse mère. Toutes deux juives hongroises en fuite, persécutées par les nazis, elles ne vécurent pas mieux la « libération » soviétique, éloignées de leurs racines, sans nouvelles du père de famille. Les ignominies du XXème siècle imposent naturellement la déférence. L’aventure authentique vécue par la famille Katin durant la shoah et les années qui ont suivi ne peut donc qu’être poignante. Cependant, Miriam Katin retranscrit simplement les évènements, tels qu’elle s’en souvient (ou qu’on lui a rappelés), sans chercher à apitoyer outre mesure. Paradoxalement, le caractère naïf de cette vision autobiographique infantile insuffle encore plus de force au témoignage bédessiné. Le crayonné majoritairement noir et blanc se met au diapason de cette ambiance tragique et gère la tension d’habile manière : le dessin est précis lorsque les évènements sont calmes, et il devient brouillon, comme jeté d’un premier trait, à mesure que la panique gagne ou que la situation est tendue ou désespérée. Ce système narratif fonctionne à merveille sur la concentration du lecteur, qui reste suspendu au récit.
