L'histoire :
Patrice Camberou et sa femme Danielle Salducci, tous deux magistrats fraîchement diplômés, arrivent en Corse à l’été 1996. Elle est nommée juge d’instruction à Ajaccio, lui est juge itinérant, remplaçant au gré des absences, à Corte Bastia, Porto-Vecchio, Sartène... Il se confronte à la réalité du terrain. Il découvre le regard de certains corses qui considèrent les magistrats comme les représentants d’une justice coloniale. Ces individus n’hésitent pas, en pleine audience, à dire tout haut le fond de leur pensée. Cette expérience dure plus de deux ans et demi, avant d’occuper un nouveau poste, tandis que sa femme attend un heureux événement. Patrice Camberou a tout juste 30 ans et se retrouve avec près de 130 dossiers, surtout des vols et des homicides. Mais une autre affaire va bouleverser les priorités. Sur la plage de la Cala d’Orzu sur la commune de Coti-Chiavari, un incendie a ravagé la paillotte « Chez Francis ». Une banale affaire, a priori. Un acte criminel signé d’un message anonyme : « Féraud balance des flics » sur les lieux. Mais l’enquête avance. Les gendarmes ont tout ratissé. Sur place, ils ont trouvé une radio qui était sur une fréquence de travail du groupement de peloton de sécurité : le GPS. Ils ont également mis la main sur une cagoule cramée au niveau de la bouche, un poignard commando… Tout porte à croire que les gendarmes du GPS sont impliqués. D’ailleurs, trois d’entre eux sont en garde à vue et seront déférés à partir de 14 heures devant le juge Camberou…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans la nuit du 19 avril 1999, la paillotte « Chez Francis », située au sud d’Ajaccio, est dévastée par un incendie d’origine criminelle. Encore un coup des indépendantistes ou un règlement de comptes classique ? Eh bien pas tout à fait. Loin des faux semblants, cet événement cache une autre vérité étonnante, dont les conséquences vont être dévastatrices. Pour la première fois, un préfet en exercice est mis en examen et condamné (avant, il y a bien eu Maurice Papon, mais cela ne compte pas puisqu’il n’était plus en fonction). Sous le feu corse est vu sous l’angle de l’un des juges qui s’est retrouvé propulsé dans cette affaire. Seize ans après l’instruction de l’affaire, Patrice Camberou se confie au journaliste François Pottier et au dessinateur Daniel Blancou. En utilisant la narration à la première personne du singulier, et le mode documentaire, le journaliste, devenu ici scénariste, nous plonge dans le for intérieur du jeune juge, victime de pressions pour l’empêcher de mener le dossier à son terme. Il fait part de ses interrogations, de ses doutes, de ses intuitions. Une bonne façon de contrebalancer les auditions qui s’enchaînent. L’enquête est dense (trop peut-être, elle aurait méritée d’être plus condensée), ce qui implique une attention de tous les instants pour éviter le décrochage. Le dessin de Blancou est simple et efficace. Le dessinateur illustre sans flonflon, ni fioritures le récit de Camberou, à la manière de la Revue Dessinée. Une fois toutes ces pages ingurgitées, on reste ébahi par la tournure des évènements. Sans le jusqu’au-boutisme d’un homme, l’affaire en serait sans doute restée là.