L'histoire :
En avril 1950, le cinéaste René Vautier débarque à Brest, clandestinement. Il doit en effet se faire très discret depuis son film brûlot Afrique 50, un documentaire dénonçant le système colonial français. Cette fois-ci, René répond à l’appel de la CGT, qui souhaite avoir un film sur les mouvements syndicaux d’ampleur croissante sur les chantiers de reconstruction de la ville. En effet, dénonçant la rigueur de leurs conditions salariales, les ouvriers du bâtiment ont tous débrayés, réclamant de meilleurs traitements. Rejoints par les traminots et les dockers, ils projettent à présent une grande manifestation pour le lendemain. René passe la nuit à la campagne, chez des amis, tandis qu’à la mairie de Brest, une décision préfectorale tombe in extremis, interdisant la manifestation. Le lendemain, les trains sont en grève et René est contraint d’attendre une journée de plus pour rejoindre Brest. Il n’assiste donc pas aux évènements tragiques : les contestataires jettent des pierres sur les CRS ; ces derniers répliquent à balles réelles. Un homme, Edouard Mazé, en prend une en pleine tête. Le lendemain, René arrive avec sa caméra et filme sans prise de son les témoignages poignants des syndiqués. Il décide ensuite de compléter ces images par la lecture d’un poème de Paul Eluard : « un homme est mort »…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Conquis par le projet du scénariste Kris, le dessinateur Etienne Davodeau réitère l’expérience de la BD sociale. Après Les mauvaises gens (œuvre multi récompensé), cet auteur complet semble se spécialiser dans la BD-politique de gauche. L’ouvrage Un homme est mort prouve une nouvelle fois que le medium bande dessinée n’appartient pas seulement au prisme du divertissement, mais peut aussi refléter un engagement. Scénarisé par le petit-fils d’un militant communiste, ce récit-témoignage partisan n’évite pas les clichés : il illustre le seul point de vue des manifestants. En l’occurrence, la contestation ouvrière avait carrément du sens, au vu des conditions ouvrières de l’époque ! Mais au delà de l’aspect militant, Kris et Davodeau livrent avant tout un témoignage historique et social poignant. Même si René Vautier est au centre du récit, le véritable héros est son film. Prévu pour témoigner d’un mouvement social, le documentaire habillé du poème d’Eluard en est devenu l’un des acteurs principaux. Un acteur qui combat jusqu’au bout, jusqu’à en mourir ! Car après des dizaines de projections privées, il ne resta rien de la bande filmée de Vautier, réduite en copeaux de pellicules. Elle aussi est donc morte au combat. A l’initiation de Kris et sous les crayons d’Etienne Davodeau, la retranscription en BD permet de ressusciter ce témoignage et de sauvegarder la Mémoire.