L'histoire :
A bord du paquebot qui rejoint New York, Henry fait goûter aux autres passagers son talent génial de musicien. Au point même de donner envie à une artiste capricieuse de le garder auprès d’elle pour qu’il fasse carrière. Mais Henry n’est pas tenté et il retiendra surtout de ce voyage la rencontre avec un steward noir. Celui-ci, en cachette, s’est emparé de son piano pour y jouer une musique insolite, à la fois triste et gaie… Bien des années plus tard, deux guerres ont passé et Henry n’a pas fait carrière. Il donne des cours de piano. L’un de ses élèves n’est autre que Louis, son fils. Le gamin semble peu amateur de l’instrument. Il préfère écouter son père se souvenir du temps où il partait pour l’Amérique donner des concerts, ou le suivre au café du coin, pour retrouver de vieux copains. Des amis qui ont parfois des propos étranges, qui froissent le père et que Louis a du mal à interpréter. Et puis un matin, le téléphone sonne. Henry a fait une crise cardiaque. Louis doit se rendre à hôpital pour partager les derniers instants de son papa… et l’entendre lui souffler qu’il lui lègue son piano.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En cinq mouvements et un piano, effleurant le papier d’un noir et blanc souvent esquissé, Louis Joos évoque son père. Pas de voix off chargée de commenter ou d’exprimer de quelconques sentiments. Mais des tranches de vie, doucement posées par un trait dont la profondeur construit l’émotion. Beaucoup de pudeur donc, de sobriété, pour comprendre comment lui-même s’est construit, à travers ce père presque inconnu. L’artiste nous propose ainsi de cerner le processus de sa réceptivité artistique, l’importance de la musique, la nécessité du dessin. Il y a, au-delà, le vide créé par l’absence de ce père disparu trop vite : les questions, les mystères fantasmés qui restent en suspens, le besoin impérieux de le retrouver dans chacun des gestes entrepris, de sentir son éternelle présence. Un travail peut-être nécessaire pour admettre la transmission d’un héritage qui n’a pas eu le temps d’être formalisé. Pour se confier, Louis Joos choisit la force des silences, le filigrane, la pudeur, la retenue, en nous laissant le soin d’interpréter. Si la démarche dénote une extrême sensibilité, à force d’effleurer, elle nous éloigne un peu et ne parvient pas à nous toucher à la mesure de l’intention. Un album dont aurait voulu qu’il nous submerge d’émotion, tant sa force latente ne demandait qu’à être partagée.